Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
En 1977 le défunt roi entendit au temple Rajpatikaram (วัดราชผาติการาม) une homélie du vénérable Somdet Pra Mahaviravong (สมเด็จพระมหาวรวง) raconter la légendaire visite du roi Mahajanaka (พระมหาชนก) (1) dans les jardins de la cité mythique de Mithila (มิถิลา) (2). A l’entrée du verger royal se trouvaient deux superbes manguiers : l’un chargé d’une profusion de fruits délicieux alors que l’autre n’en portait aucun. A l’occasion d’une promenade, le roi dégusta une mangue avant de pénétrer dans le parc. Quand il en ressortit, il s’aperçut que le premier arbre avait été vandalisé et déraciné, tandis que l’autre, stérile, se dressait fièrement vers le ciel. La morale que le vénérable retirait de cette parabole était qu’en tout, ce qui est bon est la cible de la cupidité et court un danger. Vivement intéressé, le monarque voulut approfondir cette histoire et se plongea dans les écritures saintes, le Tripitaka (พระไตรปิฏก) : le Suttantapitaka (สุตตันตปิฏก) le Khuddakanikaya (ขุททกนิกาย) et le Jakata (ชาดก) et le traduisit intégralement en thaï moderne et en anglais à partir du texte pali tout en le simplifiant (3).
C’est l’histoire d’un homme qui pratiqua la persévérance sans chercher ni récompense ni profit et qui, par la force de ses vertus, gagna un trône et apporta la prospérité et richesse à la cité de Mithila. En traduisant le passage relatif aux mangues, le roi estimait que le désir royal de quitter sa ville pour rechercher la tranquillité suprême était à la fois inopportun et prématuré. En effet, la prospérité du pays n’avait pas encore atteint son apogée : « Du vice-roi aux cornacs et aux dresseurs de chevaux, des dresseurs de chevaux au vice-roi en passant par les courtisans, tous sont ignorants. Ils manquent non seulement de connaissances techniques mais aussi de simples connaissances pratiques et de bon sens. Nait alors dans l’esprit du roi la décision de créer une institution d’apprentissage universel ». Estimant par ailleurs que la parabole initiale devait être modifiée pour l’harmoniser à la société contemporaine, le défunt roi y ajouta en précisant que Mahajanaka aurait pu également se soucier de redonner vie au manguier en utilisant des méthodes de culture modernes. La traduction terminée en 1988, feu le roi souhaita publier son œuvre à l’occasion du cinquantenaire de sa montée sur le trône en une édition superbement illustrée, pour que cette légende devienne source de réflexion pour toutes les personnes de bonne volonté.
Il est également difficile en cette fin d’année 2016 de ne pas y voir des conseils à l’attention de son successeur et un véritable testament politique sur les vertus de la persévérance et les nécessités de l’éducation.
Un roi du nom de Mahajanaka régnait sur la cité de Mithila, dans le région de Videha (วิเทหะ) il y a très longtemps (2). Il avait deux fils, Aritthajanaka (อริฎฐชนก) et Polajanaka (โปลชนก).
L’aîné fut nommé vice-roi et le plus jeune premier ministre. Lorsque le roi quitta cette terre pour rejoindre le paradis, le prince Aritthajanaka accéda au trône et nomma son frère vice-roi. Un favori du roi ne cessait de lui répéter : « Majesté, le vice-roi complote contre vous ». Au fil des jours, le venin fit son effet et détruisit l’affection que le roi portait à son frère. Il le fit enchaîner et emprisonner dans les geôles du palais. Polajanaka s’écria alors « Si j’ai vraiment comploté contre mon frère, que ces chaînes emprisonnent mes mains et mes pieds et que cette porte demeure fermée à jamais. Mais si je suis innocent, que ces chaînes tombent d’elles-mêmes et que cette porte s’ouvre. » A cet instant les chaînes tombèrent et la porte s’ouvrit.
Polajanaka partit alors se réfugier dans une ville frontière où les habitants le reconnurent et l’abritèrent. Le roi Aritthajanaka ne pouvait dès lors plus rien contre lui. Il réussit à étendre son pouvoir sur tout le territoire frontalier et à mobiliser des troupes importantes. Il se dit : « Autrefois je n’avais aucune rancune contre mon frère mais la situation a changé. J’agirai donc comme il se doit. » Il rassembla son armée et, soutenu par une forte milice populaire, partit pour Mithila, aux portes de laquelle il établit son campement. Quand les soldats de la cité apprirent que le prince Polajanaka était devant la ville, nombreux furent ceux qui le rejoignirent avec armes et bagages, équipements et notamment éléphants, rejoints par de nombreux civils. Le prince Polajanaka envoya un ultimatum à son frère : « Je n’ai jamais été ton ennemi dans le passé mais j’ai l’intention d’ouvrir les hostilités. Veux-tu me céder le trône ou veux-tu que nous combattions ? » Le roi Aritthajanaka choisit la guerre.
Il fit appeler la reine et lui dit : « Chère, il m’est impossible de savoir si je vaincrai ou si je serai vaincu. Me trouvant face à un danger mortel, je vous supplie de prendre le plus grand soin de l’enfant que vous portez. » Après quoi il mena son armée aux portes de la ville. L’armée du prince Polajanaka anéantit celle du roi et le tua. Quand le peuple apprit la mort du roi, un soulèvement éclata en ville. Dès que la reine sut que son royal époux n’était plus, elle s’empressa de réunir différentes valeurs dans un panier qu’elle recouvrit de vielles hardes, elles-mêmes se farda de poudre de riz et se vêtit de vieux vêtements sales. Elle posa le panier sur sa tête et quitta la ville en toute hâte. Personne ne la reconnut. Elle franchit la porte du nord mais n’étant jamais sortie de la ville, elle ne savait où aller. Elle se rendit dans une auberge et demanda si quelqu’un allait à Kalachampaka (กาลจันปากะ), une ville voisine dont elle connaissait le nom (4).
La créature qui reposait dans le sein royal n’était pas un être ordinaire, il était destiné à connaître l’illumination (5). La force de cette Grande créature suscita une vive émotion dans la demeure céleste de Sakka Devaraja (สักกเทวราชา), le roi des dieux (6). Il en chercha la cause puis conclut : « L’Être qui se trouve dans le sein royal aura une grande destinée ; nous devons aller à sa rencontre. » Il fit donc miraculeusement apparaître un char abritant une couche, prit l’apparence d’un vieillard et se rendit ensuite à la porte de l’auberge.
Il demanda alors : « Y a-t-il ici quelqu’un qui aille à Kalachampaka ? » La reine répondit : « Moi, vénérable vieillard ». Il lui dit : « Eh bien montez donc dans mon chariot, mon enfant. » La reine sortit de l’auberge et répondit : « Je porte un enfant, je ne peux donc pas monter dans un chariot ; je préfère marcher derrière vous, ô vénérable vieillard. Mais veuillez avoir la gentillesse de mettre ce panier sur le chariot. » Sakka Devaraja répliqua : « Que me dites-vous là ? Il n’y a pas de conducteur plus habile que moi. Ne craignez rien et prenez place à l’intérieur, mon petit. » Par miracle, à l’instant où la reine s’apprêtait à monter dans le chariot, la terre s’éleva à hauteur de l’arrière du véhicule, lui permettant ainsi d’accéder sans effort au lit qui se trouvait à l’intérieur. La reine comprit alors qu’elle avait affaire à un dieu. Elle s’allongea et tomba dans un sommeil paisible car le lit était magique.
C’est ainsi que Sakka Devaraja conduisit le chariot sur environ trente yot (โยชน์) (7) et arriva bientôt près d’une rivière. Là il s’arrêta, réveilla la reine et lui dit : « Mon enfant, descendez du chariot et allez-vous baigner dans la rivière. Revêtez ensuite les vêtements qui sont étendus là-bas, puis revenez partager la nourriture qui se trouve dans le chariot. » La reine fit ce qu’il demandait et se rendormit. Dans la soirée, ils arrivèrent enfin à la cité de Kalachampaka. A cette vue, la reine demanda, étonnée : « Vénérable vieillard, quel est donc le nom de cette ville ? » « C’est la cité de Kalachampaka, mon enfant ». La reine répliqua : « Vous moquez-vous de moi ? Kalachampaka est au moins à soixante lieues de chez nous ! » Il rétorqua: « En effet, mais je connaissais un chemin direct. » Arrivé aux abords de la porte du sud, il demanda à la reine de descendre du chariot et ajouta : « Ma maison est un peu plus loin mais vous devez entrer dans la ville par-là » Sur ce il disparut en direction de sa demeure et la reine entra dans une auberge.
A ce moment-là, un maître brahmane enseignant la philosophie dans la ville vint à passer. Il était accompagné de cinq cents disciples allant faire leurs ablutions. Il aperçut de loin la gracieuse silhouette et la grande beauté de la reine assise à une table. Par la vertu de la Grande créature reposant dans le sein royal, dès que le brahmane posa les yeux sur la reine, il s’imagina qu’elle était sa jeune sœur et ordonna à ses disciples de l’attendre au dehors pendant qu’il pénétrait dans l’auberge.
Il demanda alors à la reine : « Petite sœur, d’où venez-vous ? » Elle répondit : « Maître, je suis l’épouse du roi Aritthajanaka de Mithila ». Il lui demanda : « Pourquoi êtes-vous venue ici ? ». Elle répondit « Quand le roi Aritthajanaka a été tué par le prince Polajanaka, j’ai pris conscience du danger et je me suis enfuie pour sauver l’enfant que je porte ». Le brahmane poursuivit : « Avez-vous des parents dans cette ville ? » « Aucun, Maître ». Alors il lui dit : « Dans ce cas, vous n’avez plus aucun souci à vous faire. Je m’appelle Udicchabrahmana Mahasala (อทิจจพรามณ์มหาศาล) et suis le maître de dizaines de disciples. Je vais vous présenter à tous comme ma sœur. Je vous protègerai et prendrai soin de vous. Veuillez répéter ces mots après moi : « Vous êtes mon frère aîné », ensuite, touchez mes deux pieds de vos mains et commencez à gémir et à pleurer. »
Ainsi fit la reine, elle pleura fort, se jeta aux pieds du brahmane et les prit entre ses mains et tous deux gémissaient et pleuraient. Quand les disciples entendirent ces lamentations, ils se précipitèrent à l’intérieur de l’auberge en demandant : « Maître, que vous arrive-t-il ? » Le Brahmane répondit : « Chers disciples, cette femme est ma jeune sœur que je croyais perdue depuis longtemps. » Les disciples répondirent alors : « Maintenant que vous vous êtes retrouvés, vous n’avez plus de raison de vous lamenter. »
Tout jeune, le prince jouait avec les autres enfants. Si l’un d’eux venait à le déranger ou l’agacer, il l’attrapait et le corrigeait. Il était physiquement très fort et d’un tempérament rigide dû à la fierté inconsciente d’être de sang royal. Les enfants le craignaient ; quand il leur faisait mal, ils pleuraient bruyamment et si on leur demandait « Qui vous a battus ? », ils répondaient toujours : « C’est le fils de la veuve. » Un jour, il demanda : « Pourquoi m’appellent-ils toujours « le fils de la veuve » ? Notre mère pourra certainement répondre. » « Mère respectée, dites-moi donc qui est mon père. » Elle ne voulut pas dire la vérité : « Ton père est le Brahmane. » Le lendemain, le prince se battit à nouveau avec les enfants et quand ils dirent : « Le fils de la veuve nous a frappés », il leur demanda : « Le Brahmane n’est-il pas mon père ? » Ils répliquèrent : « Quelle sorte de parent le Brahmane est-il pour toi ? » Le prince réfléchit : « Ces enfants disent : « Quelle sorte de parent le Brahmane est-il pour toi ? » Notre mère ne nous dit certainement pas la vérité mais nous allons l’obliger à nous dire ce qu’il en est réellement. »
Alors qu’il tétait le sein de sa mère, il saisit fermement le mamelon entre ses dents et dit : « Mère respectée, dites-moi toute la vérité au sujet de mon père, sinon je vous mordrai le sein. » La reine comprit qu’elle ne pouvait plus continuer à mentir et avoua : « Tu es le fils du roi Aritthamahajanaka de la cité de Mithila. Ton père a été assassiné par son frère, le prince Polajanaka. Je suis venue ici dans cette ville pour lui échapper. Le Brahmane m’a recueillie et a pris soin de moi comme de sa jeune sœur. » A dater de ce jour, le prince ne se mit plus jamais en colère, même quand on l’appelait « le fils de la veuve ».
Avant d’avoir atteint sa seizième année, il avait déjà étudié les Trois Védas (ไตรเวท) et toutes les sciences. A seize ans, c’était un séduisant jeune homme qui se disait : « Nous récupèrerons le trône qui appartenait de droit à notre père ». Il demanda un jour à sa mère : « Mère respectée, avez-vous emporté avec vous quelques objets de valeur ? Je pourrais les vendre, faire fructifier l’argent et reconquérir ainsi le trône de mon père. » Elle lui répondit : « Cher fils, je ne suis pas arrivée les mains vides. Nous avons trois sortes de trésors : des rubis, des perles et des diamants. N’importe lequel d’entre eux suffirait à nous permettre de reconquérir le trône. Mon fils, prends-les tous et reprends possession de ton héritage. » Il lui répondit : « Mère respectée, donnez-m ’en la moitié. J’irai dans le pays de Suvarnabhumi (สุวรรณภูมิ) et j’en rapporterai de grandes richesses. Ensuite je reconquerrai le trône de mon père. » Il l’utilisa alors son trésor pour acheter des marchandises qu’il chargea à bord d’un navire sur lequel il comptait partir avec d’autres marchands pour Suvarnabhumi. Il alla prendre congé de sa mère : « Mère respectée, je vais sur les terres de Suvarnabhumi. » La reine le mit en garde : « Pourquoi te lancer dans un voyage sur l’océan ? Ça n’en vaut pas la peine : le bénéfice sera mince et les périls multiples. Ne pars pas ! Tu es déjà assez riche pour reconquérir ton trône. » Il répliqua « Ma décision est prise, je pars. » Là-dessus, il prit congé de sa mère en tournant rituellement autour d’elle de droite à gauche puis partit s’embarquer.
Ce même jour, le prince Polajanaka tomba malade et se retira dans ses appartements sans pouvoir jamais plus se relever.
Sept cents marchands étaient à bord du navire affrété par le prince. Ils parcoururent sept cents lieux en sept jours. Puis, lors d’une terrible tempête, le navire fut propulsé sur la crête d’une énorme vague et ne put garder son équilibre. Les planches cédèrent sous la force de l’eau qui pénétra à flots dans la coque et le navire sombra au milieu de l’océan. Tous les passagers sentant venir leur fin prochaine pleuraient, se lamentaient et invoquaient les dieux en les suppliant de leur envoyer de l’aide. Le prince savait que le navire allait couler. Il se prépara donc un mélange de sucre et de beurre et en avala tant qu’il put. Il trempa ensuite deux morceaux d’étoffe ordinaire dans de l’huile puis s’en enveloppa le corps. Il s’agrippa au sommet du plus haut mât au moment où le navire sombrait. Ses compagnons devinrent la proie des poissons et des tortues de mer ; l’eau était couverte de sang. La Grande créature se tenait tout en haut du mât. Il se tourna dans la direction de Mithila puis plongea, nageant de toutes ses forces pour s’éloigner des poissons et des tortues à une distance d’un usabha (อุสภะ) (8). Ce même jour le roi Polajanaka mourut. Alors, le Grande créature fendit l’océan de toute la puissance de ses épaules et nagea sept jours en ayant la sensation qu’un seul jour s’était écoulé.
A cette époque, les Quatre Gardiens du Monde (ท้าวโลกบาล ทั้งสี่) (9)...
... avaient confié à une déesse du nom de Mani Mekhala (มณีเมขลา) le soin de veiller sur les créatures vertueuses pour qu’elles ne périssent pas en mer. Or, elle n’avait pas inspecté les océans depuis sept jours. D’aucuns disaient qu’elle était si absorbée dans les plaisirs divins qu’elle en avait oublié sa tâche, d’autres qu’elle était allée à une réunion de créatures célestes. Quoi qu’il en soit, elle finit par se souvenir : « Cela fait aujourd’hui sept jours que je n’ai pas inspecté les hautes mers. Je me demande ce qui s’y passe ». C’est ainsi qu’elle découvrit le Grand Etre. Elle pensa alors : « Si le jeune prince Mahajanaka devait périr dans l’océan, je ne serais plus jamais admise dans la société des dieux. » Sur ce, elle revêtit ses plus beaux atours puis alla flotter au-dessus de l’eau, à proximité de la Grande créature. Pour le mettre à l’épreuve, elle entonna une première strophe : « Qui donc est-ce là qui nage au milieu des vagues de l’océan alors que la côte n’est nulle part en vue ? A quoi bon s’épuiser à nager de la sorte ? » La Grande créature s’interrogea : « Nous nageons dans l’océan depuis sept jours et, pendant tout ce temps, nous n’avons eu aucune compagnie. Qui donc me parle ainsi ? »
Levant les yeux au ciel, il vit Mani Mekhala. Il entonna alors une seconde strophe : « Ô déesse, nous avons réfléchi sur la conduite à tenir en ce monde et sur les mérites de la persévérance. Nous en concluons que, même si nous ne voyons pas la côte, nous devons persévérer et continuer à nager dans le vaste océan ». Mani Mekhala, désireuse d’entendre un autre discours entonna une autre strophe : « La côte de l’insondable océan n’est certainement pas visible à tes yeux. Tes efforts héroïques ne servent donc à rien ; tu seras mort bien avant d’atteindre le rivage ». A ces mots, la Grande créature répondit : « Que dites-vous là ? Nous persévérons afin que, même si nous devions périr, nous soyons exempt de tout blâme et de toute critique ». Après quoi il ajouta: « Qui s’exerce à la persévérance, même face à la mort, n’aura aucune dette vis-à-vis de sa famille, des dieux, de son père ni de sa mère. De plus, tout individu qui accomplit son devoir en homme, jouira plus tard de la paix ultime ». La déesse lui répondit alors « Toute entreprise non encore couronnée de succès par la persévérance reste vaine ; de nouveaux obstacles ne cesseront de se présenter. Quand une action, entreprise avec des efforts aussi mal orientés, aboutit à la mort, à quoi donc auront servi cette action et ces efforts? ». Sur ce, la Grande créature pour convaincre la déesse lui répondit « Ecoute, ô déesse ! Tout individu persuadé que ses efforts ne seront pas couronnés de succès court à l’échec. Ne faisant preuve d’aucune persévérance, il devra assumer les conséquences de son indolence. Ecoute encore, ô déesse ! Certains font de gros efforts pour réussir ce qu’ils entreprennent même s’ils finissent par échouer. Ecoute enfin, ô déesse ! Ne comprends-tu pas les conséquences de mes actions ? Tous les autres ont péri noyés dans l’océan ; nous seul nageons encore, nous seul vous avons vue flotter près de nous. En ce qui nous concerne, nous allons encore persévérer et donner le meilleur de nous-même ; nous allons faire tous les efforts qu’un homme doit faire pour atteindre les rives de l’océan ».
La Grande créature affirme ainsi que, lorsqu’on est persévérant physiquement ou moralement et que l’on s’applique à atteindre son objectif dans toute action, elle ne manquera pas d’être couronnée de succès ; il s’ensuit que la persévérance est une vertu d’une absolue nécessité.
La déesse entonna alors cette strophe à sa louange : « Nul être possédant ta patience ne sombrera dans le vaste océan. Animé de cette virile persévérance, tu pourras aller où tu voudras » et elle demanda : « Ô grand sage, toi qui es doté d’une telle détermination, où puis-je t’emmener ? » Quand la Grande créature répondit : « à Mithila Nagara », elle le souleva aussi aisément que l’on cueille une fleur et s’envola dans les airs, le portant dans ses bras comme un enfant chéri. Ce faisant, elle entonna une autre strophe : « Ô grand sage, tes remarquables paroles ne devraient pas se perdre dans le vide infini de cet espace. Tu devras partager avec d’autres le don de sagesse celle éclairée qui sort de tes lèvres. Quand le temps sera venu, tu fonderas une école dans laquelle les plus hauts enseignements seront dispensés. Ce lieu s’appellera le Centre de Grande Sagesse « Bodhiyalaya ». Alors seulement tu auras réellement mené ta mission à son terme.
La Grande créature était épuisée après sept jours passés dans l’eau saumâtre. Au contact magique de la déesse, il tomba dans un profond sommeil. Mani Mekhala le porta jusqu’à Mithila Nagara (มิถิลานคร) ; là, elle le posa sur le côté droit, sur une pierre dite « de bon augure » ou « pierre de cérémonie », dans le verger aux Mangues. Elle en confia la garde aux esprits du verger puis s’en fut vers son domaine.
Le roi Polajanaka n’avait pas laissé de fils mais une fille unique, fine et intelligente, appelée Sivali Devi (สีวาลีเทวี). Quand il fut étendu sur son lit de mort, les courtisans lui demandèrent : « Votre Majesté, après votre grand départ, à qui devra revenir le trône ? ». Il répondit : « Vous devrez le confier à celui qui saura plaire à Sivali Devi, notre fille, ou à celui qui pourra dire de quel côté se trouve la tête du Trône Carré, ou à celui qui pourra tendre l’Arc qui Nécessite la Force de Mille Hommes, ou encore à celui qui découvrira les Seize Grands Trésors. C’est à cet homme-là que vous devrez confier le trône ». Les courtisans lui dirent alors : « Votre Majesté, nous vous prions de nous expliquer l’énigme de ces trésors. » Le roi expliqua alors plusieurs énigmes dont celle des trésors :
Puis il quitta cette terre pour le paradis et fut incinéré.
...ni à dire de quel côté se trouvait la tête du Trône Carré (11), ni encore à découvrir les Seize Trésors. Le Grand Conseiller dit alors : « Nous devrions utiliser le Grand Chariot car il est dit que le roi qui arrivera tenant les rênes du Grand Chariot pourra régner sur tout le territoire de Jambudipa. » Le Grand Chariot se dirigea vers le Verger aux Mangues, tourna autour de la dalle « de bon augure » puis s’arrêta près de la Grande créature. Toutes les personnes présentes, les courtisans et le Grand Conseiller, hurlèrent de joie et couronnèrent la Grande créature sur-le-champ. Un peu plus tard, celui-ci fut en mesure de résoudre les quatre énigmes du roi Polajanaka. Quand il demanda s’il y en avait encore, les courtisans lui répondirent qu’il n’y en avait plus. Le peuple tout entier se réjouit en s’émerveillant : « C’est incroyable ! Ce roi est un véritable génie ! » (12).
Par la suite, le roi invita sa mère et le Brahmane à venir de Kalachampaka Nagara (กาลจัมปากนคร).
Il fit préparer une somptueuse cérémonie en leur honneur. Tous les habitants de Videha étaient enthousiasmés et fêtèrent l’événement par un festival de musique. Tandis que la Grande créature, assise sur son trône, présidait la cérémonie, il se rappela les efforts qu’il avait dû déployer dans l’océan. A cette pensée, il se dit que la persévérance est quelque chose d’essentiel : « Si nous n’avions pas persévéré dans l’océan, nous ne serions pas sur ce trône aujourd’hui ». Tandis qu’il méditait sur les vertus de la persévérance, il se sentit comme envahi d’une joie immense et d’un tel bonheur qu’il s’exclama : … « Les choses que nous ne prévoyons pas peuvent se produire. Les choses que nous planifions peuvent tourner au désastre. La richesse ne viendra pas à celui qui se contente d’en rêver » et il continua « nous ne pouvions absolument pas prévoir que nous parviendrions à monter sur ce trône sans verser la moindre goutte de sang. Nous avions prévu d’amasser une fortune à Suvarnabhumi pour le récupérer. »
Dès lors, il mit en pratique les Dix Règles de la Royauté. Il fit régner la justice et prit soin de protéger tous les pieux ermites. Plus tard, la reine Sivali Devi donna naissance à un prince qui répondait à tous les critères de la richesse et de la chance. Ses parents lui donnèrent le nom de Dighavurajakumara (ทีฃาวุราชกุมาร). Quand Dighavurajakumara atteint l’âge voulu, le roi l’investit de la charge de vice-roi et lui-même régna sept mille ans.
Un jour, le responsable des jardins royaux apporta au roi toutes sortes de fruits et différentes variétés de fleurs. Le roi s’en réjouit : « Nous souhaitons voir le parc royal. Va préparer notre visite » Il acquiesça, prit les mesures nécessaires et en informa le roi. Monté sur l’éléphant royal, il quitta la ville suivi d’un long cortège et arriva au parc. Près du portail, se trouvaient deux manguiers au feuillage d’un vert resplendissant. L’un ne portait aucun fruit, tandis que l’autre en était couvert. Ces fruits étaient délicieux mais nul ne pouvait y toucher tant que le roi n’y avait pas goûté. Perché sur le dos de son éléphant, le roi cueillit une mangue et la porta à sa bouche. Lorsque le fruit délicieux toucha le bout de sa langue il se dit : « Nous en mangerons tout notre content en repartant » à notre retour. Mais toute sa suite et tous ses courtisans, depuis le vice-roi jusqu’aux cornacs et aux dresseurs de chevaux, voyant que le roi avait déjà goûté aux fruits, se crurent autorisés à en cueillir et en manger à satiété. D’autres encore arrivèrent après eux qui utilisèrent des bâtons pour casser les branches ; on arracha à l’arbre toutes ses feuilles et il finit même par être déraciné. Pendant ce temps, l’autre manguier se dressait toujours là, aussi majestueux qu’une montagne, aussi brillant qu’un joyau. Quand le roi ressortit du parc, il découvrit ce spectacle de désolation. Il demanda à ses courtisans : « Que signifie cela ? » On lui répondit : « Sachant que Votre Majesté avait déjà goûté aux fruits, les hommes se sont battus pour se les partager » Le roi demanda : « Comment expliquez-vous que le feuillage et la resplendissante beauté de cet arbre aient complètement disparu, alors que le feuillage et la resplendissante beauté de cet autre arbre soient toujours intacts ? » Tous répondirent : « Le feuillage et la resplendissante beauté de l’autre arbre n’ont pas disparu parce qu’il ne porte aucun fruit. » A ces mots, le roi se sentit très triste. Il se dit : « Cet arbre-là est toujours merveilleusement vert parce qu’il n’a pas de fruits mais cet arbre-ci a été abattu et déraciné parce qu’il portait des fruits. Mon trône est comme l’arbre aux fruits tandis qu’une paisible retraite serait comme l’arbre sans fruits. Le danger rôde autour de ceux qui sont chargés de soucis mais ne menace pas ceux qui sont libres de toute charge. Nous ne serons pas comme l’arbre aux fruits ; nous serons comme l’arbre sans fruits. »
Le roi retourna en ville et se dirigea vers le palais. Arrivé à l’entrée il s’arrêta un instant et se remémora ce que la déesse Mani Mekhala lui avait dit au moment où elle l’avait pris dans ses bras pour l’arracher à la fureur de l’océan. Le roi ne se rappelait pas ses mots exacts parce qu’il était alors épuisé et dans un état second du fait des sept jours passés à nager, mais il savait qu’elle avait dit qu’il ne trouverait pas le chemin du bonheur absolu tant qu’il n’aurait pas partagé la sagesse qu’il avait découverte dans l’océan. Mani Mekhala lui avait dit de fonder une école où l’on dispenserait les plus hauts enseignements et qui s’appellerait le Mahavijjalaya de Pudalay. Une fois cette mission accomplie, il pourrait enfin seulement se retirer en paix. Il pensa : « Chacun, qu’il soit commerçant, fermier, roi ou prêtre, a un devoir à accomplir. Cependant, avant toute chose, nous devons trouver un moyen de redonner vie au manguier déraciné. » Il appela donc son premier ministre et lui dit : « Allez inviter le Brahmane à se joindre à nous, accompagné de deux ou trois de ses disciples. ». Udicchabrahmana Mahasala (อุทิจจพราหมณ์ มหาศาลา)...
...arriva bientôt, suivi de deux disciples, Charutejobrahmana (จารุเตโชพราหมณ์) et Gajendra Singha Pandit (คเชนทรสิงหบัณฑิต). Le premier était un spécialiste en plantations, le second un spécialiste en cueillette.
Dès leur entrée, Gajendra Singha Pandit se précipita aux pieds du roi et dit : «Votre Majesté, votre humble serviteur est coupable ; quand les courtisans m’ont demandé de cueillir des mangues pour le vice-roi, j’ai utilisé ma nouvelle moissonneuse de fruits automatique, sans réaliser que cela déracinerait le manguier. » Le roi lui dit : « Ne te désole pas, mon bon ! A présent que le manguier est à terre, il s’agit maintenant de lui redonner sa vigueur d’antan. Pour ce faire, il existe neuf méthodes dont certaines pourraient être utilisées ici. Premièrement, faire une culture des graines ; deuxièmement, traiter les racines pour qu’elles repoussent ; troisièmement, faire une culture des branches abattues ; quatrièmement, faire des greffes sur l’autre arbre ; cinquièmement, greffer des bourgeons sur l’autre arbre ; sixièmement, recoller les branches en faisant une greffe d’accès ; septièmement, marcotter les branches ; huitièmement, fumer l’arbre stérile pour qu’il porte des fruits ; neuvièmement, faire la culture de cellules en éprouvette. Brahmana Mahasala, je te demande de bien vouloir ordonner à tes disciples de se pencher sur ce problème et de tout mettre en œuvre pour le résoudre. » Uddichabrahmana s’inclina en disant : « Votre Majesté, Gajendra Singha va immédiatement faire venir la machine qui redressera l’arbre, tandis que Charutejo récupérera les graines et les branches pour mettre en application vos conseils. » Le roi ordonna aux deux disciples de s’atteler à leur tâche sur-le-champ mais demanda à Brahmana Mahasala de rester car il souhaitait le consulter. Quand ils furent seuls, le roi dit au Brahmane : « Nous avons gardé cela secret pendant très longtemps, depuis l’époque où nous nous sommes embarqué pour Suvarnabhumi. Mais voilà : juste avant que la vague géante ne se précipite sur notre navire, nous avons entendu les commerçants de Suvarnabhumi parler entre eux dans leur langue. Ils disaient : « Non pudalay yak su kab pla lae tao » (โนนปูทะเลยักษ์สู้กับปลาและเต่า) ce qui signifie : là-bas, « un crabe des mers géant se bat contre des poissons et des tortues ». Ils ont également dit que quiconque parviendrait à poser le pied sur ce crabe géant obtiendrait tout ce qu’il désire, pourvu qu’il fasse preuve d’une réelle persévérance. » Le Brahmane dit : « J’ai, moi aussi, entendu une histoire semblable mais j’ignore si de tels crabes existent. » Le roi poursuivit : « Ils existent, c’est certain. Après avoir plongé du haut du mât dans la mer, en évitant un banc de poissons et de tortues, nous avons nagé dans l’océan. Nous nous sommes reposé de temps à autre et il nous a parfois semblé sentir le sol sous nos pieds, comme si nous étions près de la rive, la même sensation que doit avoir le sixième des Sept Individus (dans le Cinquième Udakapamasutta). En fait, il s’agissait du crabe des mers géant. » (13). Le Brahmane dit : « Vraiment, c’était alors certainement le fruit de votre persévérance. »
Le roi poursuivit : « Quand la déesse Mani Mekhala nous a sorti de l’océan, elle a dit : « Tu devras partager avec d’autres le don de sagesse. Quand le temps sera venu, tu devras fonder une école où l’on dispensera les plus nobles enseignements. Nous étions à ce moment-là épuisé et notre esprit était confus; nous avons cru entendre qu’elle suggérait que l’école s’appelle comme le crabe des mers, c’est-à dire « Pudalay » (ปูทะเล) dans la langue de Suvarnabhumi. Mais aujourd’hui nous n’en sommes plus sûr. Je vous demande, Grand Maître, de nous donner votre avis. » Le Brahmane dit : « A mon humble avis, la déesse a dû dire Bodhiyalaya - โพธิยาลัย - comme l’Institut des Ermites du même nom dans le temple de Jetavana – มหพระเชตุพน - à Devamahanagara - เทวมหานคร - dans l’état de Suvarnabhumi. Mais si votre école s’appelle le Pudalay Mahavijjalaya - ปูทะเลยย์มหาวิชชาลัย - ce sera tout à fait satisfaisant. » Le roi répondit : « Merci, cher maître. Nous sommes à présent certain que le moment est venu de fonder cette école. En fait, cela aurait dû être fait depuis longtemps. Les événements d’aujourd’hui en ont montré la nécessité. Du vice-roi aux cornacs et aux dresseurs de chevaux et des dresseurs de chevaux au vice-roi en passant par les courtisans, tous sont ignorants. Ils manquent non seulement de connaissances techniques mais aussi de simples connaissances pratiques et de bon sens : ils ne savent même pas ce qui est bon pour eux. Ils aiment les mangues mais détruisent le manguier. » Le Brahmane approuva l’idée du roi. Il dit : « Sage roi, vous n’avez plus à vous en inquiéter ; j’ai encore de bons disciples sur lesquels je peux compter et le Pudalay Mahavijjalaya verra bientôt le jour. Mithila n’est pas prêt de manquer de personnes compétentes ! »
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NOTES
(1) Probablement l’une des vies antérieures de Bouddha ? Voir « the Mahajanaka jataka being the story of the anterior births of the Gottama Bouddha » par Taw Sein Kom 1899. Ce texte est une très longue traduction de la légende mais sur une version birmane.
(2) Dans le Ramayana, elle est la ville natale de Sita, l’épouse terrestre de Rama qui y séjourna, au XIVème avant N.S.J.C. (?), située au nord-est du Népal, aujourd’hui Janakapur. Le royaume de Videha était un centre culturel important de l’Inde védique.
(3) La légende est bien connue de la littérature érudite :
« L'Inde contemporaine » par F. de Lanoye 1855.
« Poésie héroïque des indiens comparée à l'épopée grecque et romaine » par F. G.Eichhoff, 1860.
« L’histoire du Bouddha-çakyamuni depuis sa naissance jusqu’à sa prédication » par Ph. Ed. Foucaux, Annales du musée Guimet, tome XIX, 1892.
« Mythologie du bouddhisme au Tibet et en Mongolie » par Albert Grünwedel, 1900.
« Le Népal : étude historique d'un royaume indou » par Sylvain Lévi, 1903.
« Les représentations de Jataka sur les bas-reliefs de Bahrut » par A. Foucher, Conférences faites au Musée Guimet. 1908.
« Revue des traditions populaires » 1917 : « Comment, dès avant le VIème siècle de notre ère, les Bouddhistes indiens manipulaient les contes traditionnels du pays ».
« Mémoires concernant l'Asie orientale : (Inde, Asie centrale, Extrême-Orient) » publiés par l’Académie des et belles-lettres sous la direction de MM. Senart, Barth, havannes, Cordier, 1919
« Le journal des savants », anonyme, 1928.
(4) Kalachampaka ville de l’état du Bihar, au nord-est des Indes, aujourd’hui Bhagalpur sur les rives du Gange.
(5) Le terme thaï est mahasat (มหาสัตว์) la grande créature vivante que le roi traduit à juste titre par great being que nous trouvons souvent traduit par le « grand être » que nous n’utiliserons pas en raison d’une connotation (que ne voulait évidemment pas le roi) rappelant par trop le « grand être » de la « religion » positiviste d’Auguste Comte en quelque sorte la continuation du culte de la Raison et de l'Être suprême de la Révolution française !
(6) Indra.
(7) Cent quarante-cinq kilomètres.
(8) Soixante-dix mètres.
(9) Les rois gardiens des quatre horizons et de la pureté de la loi bouddhiste.
(10) Le sens caché de ces mystères, avouons-le, nous échappe. Plaire à la princesse et tendre l’arc ne pose pas de difficultés évidemment mais quel côté se trouve la tête du Trône Carré ou encore les Seize Grands Trésors restent mystérieux.
(11) S’agit-il du trône de Jupiter, roi des dieux du panthéon hellénistique, dont le trône était carré ?
(12) L’arc que seul peut tendre un homme doté de pouvoir surnaturels rappelle évidemment celui, magique, de Rama dans le Ramakian. Le roi de Mithila, Djanaka, lui accorda la main de la belle Sita lorsqu’il le vit tendre l’arc magique qui exigeait la force de mille hommes. C’est également dans l‘Odyssée d’Homère l’épreuve de l‘arc que seul Ulysse réussit à tendre, trop pesant et trop lourd pour les prétendants. Homère a probablement puisé d’abondance dans la tradition indienne ?
Ne faisons pas le lien avec la Bible qui rappelle en permanence la nécessité de la persévérance ce que traduit Saint Mathieu ainsi « celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé » (Mathieu X, 22)
(13) Il fait voir dans ce crabe de mer la représentation de la connaissance et de la sagesse, une vertu qui peut sauver un d'être submergé par des obstacles : Le Prince repose sur cette créature supporté par la force de ses connaissances.