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Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.

231 - LES 843 JOURS DU GÉNÉRAL KRIANGSAK CHAMANAN (11 NOVEMBRE 1977 – 3 MARS 1980)

231 - LES 843 JOURS DU GÉNÉRAL KRIANGSAK CHAMANAN (11 NOVEMBRE 1977 – 3 MARS 1980)

Nous vous avons parlé dans notre précédent article  (1) des conditions dans lesquelles le général Kriangksak Chamanan (เกรียงศักดิ์ ชมะนันทน์), chef des armées, devint premier ministre aux termes d’un nouveau coup d’état que la presse occidentale annonce comme le douzième alors qu’il est en réalité, depuis le coup d’état de 1932, le 26ème et depuis le début du siècle le 30ème ! (2).

 

Il n’est pas du « sérail ». Né le 17 décembre 1917 dans le district de Mahachai (dans la province de Samut Sakhon - สมุทรสาคร) sous le nom de Somchit Chamanan (สมจิตต์ ชมะนันทน์), son père, Chèm (แจ่ม) est un modeste lieutenant, officier subalterne, et sa mère, Chua (เจือ) dentiste. Il débute ses études à l’école primaire puis les poursuit dans  le secondaire à l’école Patumkongka (โรงเรียนปทุมคงคา) à Samut Sakhon. Nous le trouvons ensuite à l’école des cadets Chunlachomklao (โรงเรียนนายร้อยพระจุลจอมเกล้า), puis à l’académie militaire (โรงเรียนเสนาธิการทหารบก) et ensuite au collège supérieur de la défense nationale(วิทยาลัยกองทัพบก และวิทยาลัยป้องกันราชอาณาจักร) 

231 - LES 843 JOURS DU GÉNÉRAL KRIANGSAK CHAMANAN (11 NOVEMBRE 1977 – 3 MARS 1980)

... puis enfin, il suit une formation de deux ans aux États-Unis.

 

Il ne va pas gagner ses galons dans les salons de Bangkok. Nous allons le trouver comme jeune lieutenant en première ligne contre les Français lors de l’éphémère guerre franco-thaïe de 1941, puis  en Corée à la tête d’un bataillon baptisé « la brigade des tigres » (Tout un programme ?) et enfin chez les volontaires thaïs pendant la guerre du Vietnam (3).

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Qui sont ces militaires trop souvent – pour partie d’entre eux – qualifiés de façon erronée de « jeunes Turcs » (4) ?

 

Officiers souvent de rang subalterne ayant pour la plupart gagné et mérité leurs galons en Corée, au Vietnam, dans la guerre de 1941 pour les plus anciens et dans les combats intérieurs contre les guérillas communistes. Leur idéologie était peut-être un peu sommaire, « ni Marx, ni Coca cola », considérant non sans raisons que l’enrichissement forcené des hommes d’affaire, y compris dans la haute hiérarchie militaire et du monde politique ayant pour corollaire le sentiment d'injustice sociale des populations défavorisées et la montée du communisme en Asie du Sud-Est. Aussi souhaitent-ils instaurer en Thaïlande une dictature militaire « propre », débarrassée d'une classe politique jugée corrompue, alors  que le bastion thaïlandais est miné de l’intérieur par la corruption, les trafics et la misère.

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Que dire de cette nouvelle prise du pouvoir qui a eu le mérite de ne pas faire couler de sang ? Lorsque Kriangsak eut l'ambition de devenir premier ministre, il utilisa simplement la « procédure » devenue classique, il a organisé un coup d'Etat. Personne n'a été très surpris. Certains même en furent probablement reconnaissants, le premier ministre précédent, installé après un coup d'Etat militaire, s’était révélé trop sévère, même aux goûts de l'armée. S’en choquer avec nos esprits occidentaux ? La Thaïlande semble depuis 1932 avoir adopté sinon institutionnalisé comme procédure de changement de gouvernement le coup d’état, un modèle directement calqué sur les régimes « démocratiques » d’Amérique centrale et du sud aux constitutions présidentielles singées sur celle des États-Unis et leurs sempiternels pronunciamientos. Nul ici ne semble s’en étonner ?

231 - LES 843 JOURS DU GÉNÉRAL KRIANGSAK CHAMANAN (11 NOVEMBRE 1977 – 3 MARS 1980)

Il est nommé Premier ministre par décret royal du 11 novembre 1977. Le roi qui ne semble pas avoir manifesté une sympathie particulière à son égard – opposé nous l’avons vu à l’éviction de Thanin - a-t-il signé par lassitude ? (5). Le premier décret signé de sa main désignant un premier ministre est du 21 mars 1957 (désignation de Phibun). Celui-ci sera le 14ème – un de plus mais non le dernier - et le 17ème si l’on y inclut ceux signés en son nom par le Président du Conseil de régence avant son retour de Lausanne.

 

Le général constitue le lendemain un  cabinet étoffé, de 32 membres dont 8 militaires en plus de lui-même qui se réserve le poste de ministre de l’intérieur. Les trois armes sont représentées. Il y eut quelques mouvements internes en août 1978, lui-même quittant l’intérieur pour la défense permutant avec un amiral. C’est le cabinet qui va durer jusqu’aux élections du 22 avril 1979 et sous lesquelles sera promulguée la constitution du 22 décembre 1978, la 14ème depuis la première de juin 1932. 

 

Sa déclaration de politique générale sera délivrée non pas évidement à une assemblée d’élus du peuple mais devant son Conseil des ministres le jeudi 1er décembre 1977. Qu’en dire ? Là encore, depuis que la Thaïlande est devenue en 1932 un ersatz de démocratie, c’est la trente neuvième. Référence est faite évidemment à la démocratie et à la dévotion qui est due à la nation, à la religion et au roi. Pour le reste, comme pour les précédentes dont la lecture est tout aussi fastidieuse, ce ne sont que des déclarations de bonnes intentions directement singées de nos démocraties européennes, avec  boniments, verbiage, délayage, phraséologie, redondance, remplissage et prolixité. On peut supposer sans faire de mauvais esprit que celle-ci est l’œuvre de son premier vice-premier ministre Sunthorn Hongladarom (สุนทร หงส์ลดารมภ์)...

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... un homme du « sérail » qui fit ses études en Angleterre (Cambridge et non Eton mais c’est tout comme) et qui put se repaître des fariboles que l’on racontait à la tribune de la Chambre des communes.

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Le premier gouvernement (11 novembre 1977 – 21 décembre 1978)

 

Une Constitution définitive ?

 

Le 22 octobre, une Constitution provisoire avait d’abord été publiée (souvent oubliée des « statistiques », elle porte le numéro 13) qui fixait un délai de seize mois pour la proclamation d’une Constitution définitive (la 14ème en 45 ans), la tenue d’élections générales, et la formation d’un nouveau gouvernement. Kriangsak de l’extérieur avait réussi à influencer en sa faveur la rédaction de cette Constitution. Il arrive à faire supprimer le Conseil des généraux. Et surtout, après avoir fait adopter un système parlementaire à deux Chambres, dont une de députés élus, et l’autre de sénateurs nommés, il réussit le tour de force de se faire attribuer la nomination des sénateurs (6).

 

Une constitution tout à fait « démocratique » au sens où nous l’entendons, une chambre basse élue au suffrage universel direct (n’oublions pas que les femmes ont le droit de vote) et une chambre haute non élue mais composée de personnes aux compétences reconnues ou censées l’être, calquée probablement sur le système anglais de l’époque avec sa chambre des Lords non élective, pairs religieux, héréditaires ou nommés par la Reine « sur proposition » du premier ministre.

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Toutefois, en janvier 1979, Kriangsak prit une décision peut-être tactiquement maladroite, celle de restreindre les droits civiques des Thaïlandais « fils d’étranger » dans la loi électorale publiée pour les élections d’avril 1979. Pour la première fois dans l’histoire du pays, les Thaïlandais enfants de père étranger doivent, pour pouvoir voter, remplir certaines conditions de niveau d’étude ou de services rendus à l’état, et en faire la preuve devant l’administration. Près d’un million de Chinois furent concernés directement.

 

Cette mesure n’était pas étrangère aux sentiments antichinois latents en Asie-du-sud-est. Une partie de la population manifestait une allergie aux Chinois qui tenaient les rênes économiques du pays mais cette loi a frappé au cœur tous les Thaïlandais d’ascendance plus lointaine, qui ont ressenti durement cette mesure discriminatoire. Lors des élections d’avril 1979, la presse a été unanime à critiquer cette loi qui explique en partie le résultat des élections. 

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Le scrutin pour l’élection des 301 députés a lieu le 22 mars 1979 et sera marqué par une abstention importante après que les 225 membres du Sénat aient  été désignés par le roi suivant les recommandations de Kriangsak. Une multitude de partis politiques et de candidats – c’est une tradition ici - se sont disputés les sièges de la Chambre des Représentants. La personnalité des 1.600 candidats environ, dont des indépendants, apparut comme aussi sinon plus importante que les autres thèmes de la campagne électorale, économiques ou politiques. Aucun des 36 partis en lice n'a obtenu la majorité à la Chambre; le Parti d'action sociale — centriste — de l'ancien Premier Ministre Kukrit Pramot, a remporté le plus grand nombre de sièges, et le Parti démocrate en a perdu le plus, alors que le Panchakornthai a enlevé 29 des 32 sièges de Bangkok.

 

Voici les chiffres :

 

Nombre d'électeurs inscrits : 21.283.790

Votants : 9.344.045(43,9%)

Bulletins blancs et nuls : 407.518

Suffrages valablement exprimés : 8.936.527

 

Formation politique

Candidats

Sièges 

obtenus

Sièges 

en 1976

Parti d'action sociale

201

2

45

Indépendants

706

63

 

Chart Thai

120

38

56

Prachakornthai

41

32

 

Parti démocrate

185

32

114

Saeritham

60

21

 

Chart Prachachon

35

13

 

Palang Mai

58

8

 

Kaset Sangkom

13

3

 

Kit Prachathipatai

29

3

 

Ruamthai

11

2

 

Thamma-Sangkom

2

1

2

Divers

37

3

24

 

 

301

279

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Le résultat est significatif de la situation dans laquelle se trouve Kriangsak et par la même occasion l’armée. En effet, les quatre partis qui viennent en tête, avec un total de 66,43 % des sièges, sont tous des opposants à Kriangsak et ils sont déterminés à chercher à le renverser. Le parti qui le soutient officiellement n’a que 8,63 % des sièges. Parmi les 225 sénateurs nommés par lui, 32 seulement sont des civils. Tous les autres, soit 193, sont des militaires. Cela dépasse de loin tout ce qu’on avait vu auparavant. La situation créée par Kriangsak est limpide : il doit gouverner avec son sénat contre les députés élus de la nation. Bien sûr, il obtiendra à tout coup la confiance du Parlement réuni, mais qu’en sera-t-il, à la longue, de la confiance du peuple ? Toutefois c’est le président du Sénat qui doit proposer au roi le nom du premier ministre et ce sont les deux Chambres réunies qui votent la confiance. L’avenir de Kriangsak est donc assuré. Mais en avril, Kriangsak n’est pas encore Premier ministre. Il faut d’abord qu’il soit nommé par le roi sur proposition du président du Sénat. Bien que ce ne soit pas précisé par la Constitution, Kriangsak voulut cependant consulter le Parlement, « par souci démocratique », selon son expression. Mais la méthode qu’il employa pour cela ne fut qu’une manœuvre fort peu démocratique. On pourrait la ranger au rang d’un nième coup d’état.

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Le 9 mai, il y eut une séance du Parlement pour les élections des présidents et vice-présidents des deux Chambres. Le lendemain, les députés se mirent en route pour revenir chez eux. Alors que la plupart étaient déjà partis, le président du Sénat, par radio, convoqua d’urgence le Parlement pour le lendemain 11 mai, en vue d’une consultation pour la nomination du premier ministre. Le résultat fut que les sénateurs, la plupart résidant à Bangkok étaient là, mais qu’il manquait la plupart des députés. Sur proposition du nom de Kriangsak, les 349 présents (sur 526) se prononcèrent comme suit : 311 pour, 18 abstentions, et 20 qui sortirent de la salle pour manifester leur mécontentement face à ces méthodes. Le style du gouvernement était donné et un nom accolé à ce régime bizarre : « la démocratie demi-portion ». On acceptera, en se disant que cela vaut quand même mieux que pas de démocratie du tout.

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Le deuxième gouvernement Kriangsak (12 mai 1979 – 3 mars 1980)

 

Dès lors, il fut nommé Premier ministre, par décret royal du 12 mai 1979, signé par le roi probablement encore par lassitude et à son tour, le 24 mai 1979, a formé un cabinet qui durera jusqu’au 29 février 1980. Il s’est encore étoffé, 44 ministres dont 16 militaires des trois armes, lui-même s’attribuant également le ministère de l’agriculture. Mais ce gouvernement « couve un serpent en son sein », Prem Tinsulanonda (เปรม ติณสูลานนท์), ministre de la défense et par ailleurs chef des armées. Notons, le tableau ci-dessous est significatif, que l’imbrication de ce gouvernement avec le monde des affaires et de la finance mérite par rapport à d’autres, si l’on peut dire, un « bon point ». 

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Mais, autres tableaux, la suppression de la corruption généralisée n’est pas à l’ordre du jour même si Kriangsak est resté de l’avis de tous, un homme probe.

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Sa déclaration de politique générale sera soumise aux chambres le 7 juin. Ne nous attardons pas, elle est de la même farine que celle du 1er décembre 1977.

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Les problèmes auxquels se heurtât le gouvernement furent plus terre-à-terre :
 

Le procès des 18 :

 

Il eut déjà à subir les suites des événements du 6 octobre 1976 dont il n’était en rien responsable. L’affaire se termina par une loi d’amnistie générale au profit des « gentils » et des « méchants » (ou des « méchants » et des « gentils » ?). Une amnistie, c’est l’oubli (mot venu du grec ἀμνηστία, amnêstía  « oubli »). Nous n’en parlerons donc pas, il est même en droit français, interdit de faire allusion à des faits amnistiés. Cette sortie n’est pas une pirouette puisque nous en avons longuement parlé dans notre précédent article (1).

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Linsurrection communiste :

 

Le 19 septembre 1977, Samak  Sundaravej (สมัคร สุนทรเวช), brillant « tombeur » de Kukrit Pramot aux élections de 1976 et futur premier ministre, ministre de l’intérieur du gouvernement précédent, avait prédit : «  Les insurgés communistes seront balayés de la Thaïlande dans les deux ou trois ans qui viennent. Nous sommes en train de tuer de plus en plus de communistes ». Deux ans plus tard Samak reconnut s’être lourdement trompé. Il reconnaissait, à son époque, sept mille communistes armés dans tout le pays. Le chiffre admis en 1979 par les autorités est alors de quatorze à seize mille. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que c’est directement ou indirectement précisément la politique de Samak et de Thanin qui fit augmenter les effectifs communistes. Du temps de Samak, il y avait 36 provinces officiellement  reconnues « infiltrées » : il y en avait 48 en 1979, sur les 72 du pays. Dans les provinces du sud, à la frontière malaise, des opérations combinées thaï-malaises étaient en cours depuis 1976. Non seulement, elles ne cessèrent pas mais elles augmentèrent en importance. Mais la situation au sud est particulière, compte tenu du mouvement de séparatiste des trois provinces musulmanes. Dans le reste du pays, la guérilla est très fluide. Dans le nord-est, par exemple, la situation s’améliore, il n’y a pas de territoire thaï dont on ne puisse dire : c’est une zone bien « libérée », mais en certains endroits il est des villages où les autorités locales ne séjournaient plus la nuit. Dans les montagnes, les communistes avaient des camps suffisamment importants pour que les troupes gouvernementales hésitent à monter des opérations de délogement. Certaines de ces opérations se sont soldées par des pertes sévères. La présence des insurgés se faisait sentir un peu partout par des actions limitées : 27 soldats tués, 9 tués, 5 tués, 19 tués dans des embuscades dans les provinces d’UdonLoeiNanNakhonsithammaratChiengraïTrangPattalungChiengmaï. Il y a eu 35 tués dans l’attaque du camp communiste de la colline 824 (Chiengraï). 

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La machinerie de combat anticommuniste du gouvernement a engendré des unités mobiles de développement, des groupes d’assistance de la population, des unités de volontaires pour la sécurité des villages, des programmes de développement rural, les « Scouts Villageois » (7). Beaucoup de ces programmes se chevauchèrent et ne furent que rarement supprimés, si bien qu’un village pouvait se trouver engagé dans une demi-douzaine d’entre eux en même temps. D’où gâchis, confusion et contradiction, qui jouaient en faveur des communistes. La faillite vint surtout de ce que le gouvernement ne connaissait pas les communistes et pas plus ceux qui les combattaient. Ils voyaient des ombres et des illusions, mais non les communistes eux-mêmes. De grands moyens ont été mis en œuvre mais n’ont pas réussi à stopper la légère fièvre de contagion communiste qui caractérisait la situation thaïlandaise : trop de corruption, surmultiplication des programmes, faiblesse d’analyse de la situation et manque de bonne utilisation militaire des soldats. Les gains communistes étaient légers mais constants.

 

C’est par une crise interne qu’il ne parvint pas à surmonter que le parti communiste thaï va se perdre dès janvier 1979. Elle provient de la rupture entre la Chine et le Vietnam, d’une part, et de l’incompréhension mutuelle entre les vieux cadres du parti et les nouvelles recrues étudiantes « intellectuelles » d’autre part. En octobre 1976 le parti qui aurait compté alors environ 7.000 membres, reçut l’apport soudain de quelque 3.000 intellectuels et en fut déséquilibré. On n’a jamais aimé les « intellectuels » dans quelque parti communiste que ce soit. Les nouveaux étaient trop jeunes, et sans formation politique sérieuse. Ils n’ont rejoint les rangs du parti qu’en raison des circonstances. Par ailleurs, la grande majorité d’entre eux étaient influencés par un socialisme théorique beaucoup plus que par un communisme pratique, dont ils ignoraient d’ailleurs la discipline et le « centralisme démocratique ». A la fin de l’année 1978, ces jeunes entrèrent en conflit avec la « vieille garde » faisant valoir que la stratégie adoptée jusqu’ici par le Parti n’avait pas produit des résultats sérieux. Pour eux, « l’encerclement des villes par la campagne » (notion très maoïste) était une stratégie trop lente. Ils étaient favorables au soulèvement dans les villes, modèle Lénine-Trotski. Finalement certains abandonnèrent purement et simplement la lutte de libération : au cours des premiers mois de 1979, on observa en effet un nombre inhabituel d’insurgés se rendant aux autorités, principalement des étudiants de 1976, « repentis » ou transfuges. Les tableaux ci-dessous sont significatifs.

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Le mouvement de libération Thaï-Isan :

 

Le mouvement révolutionnaire étudiant dissident émerge en mars 1979. Son nom est tout un programme Thaï-Isan Kou Chat  (ไทย อีสาน กู้ชาคิ)  c’est-à-dire « Libérer le pays thaï-Isan ». Soutenu par le Vietnam, son centre est au Laos. Son but immédiat : la libération du nord-est de la Thaïlande (Isan) dans le cadre du testament d’Ho Chi Minh et évidement son rattachement à la « République populaire et démocratique des peuples du Laos ». Les cinq têtes de liste du mouvement sont des personnalités bien connues de la période antérieure : Thongpak, un ancien député socialiste surnommé le « leader des khmers rouges  de la Thaïlande », Thoetpum, ancien leader syndicaliste, Thirayut, ancien leader étudiant en 1973, Bun-Yen Wothong, ancien professeur d’université et dirigeant du parti socialiste dissous en 1976, Srithon, ex-leader paysan. Tous sont amis des étudiants de Bangkok victimes du drame d’octobre 1976, et des paysans dont les leaders sont régulièrement assassinés. Leur drapeau est une hache verte sur fond rouge. Le Parti communiste thaï va alors changer de stratégie face à ces deux faits nouveaux : conflit entre la Chine et le Vietnam d’une part, et nouveau mouvement révolutionnaire de libération Thaï-Isan soutenu par le Vietnam d’autre part.

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Nous entrons alors en plein délire :

 

Le parti communiste se proclame depuis le mois de mai 1979 le champion de la cause nationale thaïe contre la menace vietnamienne. Cet « objectif national », dit-il, est trahi par le gouvernement thaï, qui emploie 90 % de ses forces de sécurité contre la population thaïe, alors qu’il n’en utilise que 10 % à la frontière pour faire face à l’agression, et qui, de plus, compte faire appel à des troupes étrangères (les Américains). Dès lors, la légitimité politique revient de droit au Parti : les membres du parti, en épousant la cause du nationalisme, sont les seuls vrais patriotes. Le gouvernement thaï, par son attitude, est déchu de ses droits. Le Parti lance un appel à l’unité nationale, contre l’agresseur, et invite les autorités thaïes à se joindre à la lutte. Le gouvernement thaï lui accorde alors force félicitations pour son attitude patriotique, « normal, d’ailleurs, puisqu’ils sont thaïs, comme nous ». Par ailleurs, pour se donner une image nationale valable d’indépendance vis-à-vis de l’étranger et ne pas apparaître comme l’ « œil de Pékin » (sinon celui de Moscou), il abandonne en septembre 1979 ses émissions de radio à partir d’une station de Chine du sud au profit d’un émetteur situé en territoire thaï, dans le nord du pays.

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La « real politik » étrangère

 

Mais Kriangsak a les pieds sur terre et est conscient que l’éradication de ces deux mouvements est liée à une reprise de solides relations avec la Chine. Il ne fait guère confiance aux quelques centaines de généraux de son armée qui n’ont rien à faire puisque le pays n’a plus d’ennemis extérieurs. Il aurait dit qu’ils étaient « Mieux dans les bordels que sur le champ de bataille ». Les mouvements centrifuges cesseront lorsque la Chine cessera d’armer les guérillas.

 

Kriengsak s’engage alors dans une « real politik » qu’auraient probablement approuvé Rama IV et Rama V ! A savoir, le rapprochement avec Pékin où il se rend en 1979 pour rencontrer Deng Xiaoping, chef suprême de la Chine. Que pourrait offrir la Thaïlande à la Chine en échange de la suppression pure et simple de l'appui chinois aux  insurgés ? Le moment était bien choisi. Il aurait permis à la République populaire de Chine d’expédier des armes aux rebelles Khmers rouges au Cambodge, en échange du retrait du soutien aux communistes. Version contestée puisque la version « officielle » met la dégringolade des guérillas communistes au compte d’une amnistie.  

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Le problème des réfugiés indochinois et la « real politik »

 

Leur statut va évoluer en fonction des intérêts politiques du moment. D'avril 1975 à janvier 1979, ils ont d'abord été accueillis par la Thaïlande à titre de réfugiés politiques, ce qui correspondait bien à la situation d'alors, les trois pays de départ (VietnamCambodge et Laos) étant devenus communistes et les réfugiés étaient présentés comme fuyant le nouveau régime.

 

Mais tout change en janvier 1979, lors de l'invasion du Cambodge de Pol Pot par le Vietnam. Avec cette invasion d'un pays communiste par un autre pays communiste, le conflit asiatique changeait radicalement d'aspect. Auparavant, la guerre indochinoise était une lutte entre communistes et anticommunistes. Depuis janvier 1979, elle devient la lutte entre les deux superpuissances communistes, Chine et U.R.S.S., pour l'hégémonie régionale, dont l'enjeu immédiat est le Cambodge, et l'enjeu final le Sud-Est asiatique, clef stratégique de la maîtrise océanique.

 

En Thaïlande, les considérations géopolitiques réalistes prirent donc le pas sur la propagande idéologique et l'attitude à l'égard des réfugiés khmers changea en conséquence. Vaincus, les Khmers rouges prochinois restaient malgré tout la seule force de combat éventuellement capable de s'opposer aux divisions vietnamiennes d'invasion. Et les centaines de milliers de réfugiés civils (qui, eux, fuyaient tout autant les Vietnamiens envahisseurs que les sanglants Khmers rouges) représentaient pour l'avenir une force d'opposition anticommuniste à ne pas négliger. Dans ce nouveau contexte, il n'était plus question de considérer les réfugiés fuyant la guerre intérieure cambodgienne comme des « réfugiés politiques ». En effet, à la faveur d'un tel statut, ils seraient passés sous la juridiction internationale du Haut-Commissariat aux Réfugiés (H.C.R) et auraient été perdus pour l'établissement d'une « troisième force ».

231 - LES 843 JOURS DU GÉNÉRAL KRIANGSAK CHAMANAN (11 NOVEMBRE 1977 – 3 MARS 1980)

C'est pourquoi, en janvier 1979, le général Kriangsak  décrète que tous les Khmers réfugiés en Thaïlande après le 7 janvier 1979 (date de la chute du régime Khmer rouge à Phnom Penh) ne seraient plus des « réfugiés », mais des « immigrants illégaux », contrevenant aux lois d'un pays souverain. Dès lors les réfugiés khmers des camps de Thaïlande ne bénéficient plus du statut et des droits de réfugiés. C'est « par humanité » qu'ils sont acceptés, mais à titre provisoire, avant de pouvoir être rapatriés, et ils restent passibles des lois sur l'immigration comme un touriste entré en fraude sans visa ! Il s’ensuite le principe de la prison à leur arrivée et l'internement dans des camps de regroupement, et non plus dans des camps de réfugiés sous juridiction du H.C.R comme auparavant. A part certains cas humanitaires, dont les autorités se réservent le droit de juger le bien-fondé, les réfugiés de ces camps pour « immigrants illégaux » se voient refuser la possibilité d'un départ pour un pays tiers. Ces camps sont le lieu privilégié de la « dissuasion humaine », maintenant adoptée ouvertement. Dans cette affaire, la Thaïlande a toujours revendiqué son droit de pays souverain, en faisant de plus remarquer qu'elle n'est pas signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés et que, par conséquent, elle n'est liée par aucun devoir moral envers eux.

 

Entre février et octobre 1979 eut lieu le grand exode khmer, provoqué par l'avancée vietnamienne en direction de la Thaïlande. On se souvient de cette tragédie : 700.000 réfugiés fuyant la guerre intérieure cambodgienne campent dans les rizières de la frontière, démunis de tout, épuisés, mourant de blessures ou de faim. Comment nourrir, soigner et loger cette foule d'immigrants dit « illégaux » que la nécessité oblige tout de même à recevoir « par humanité pour une durée imprévisible ? »

 

La solution est venue de la Malaisie. Car, au même moment, a lieu aussi le grand exode vietnamien, avec ses milliers d'embarcations abordant les côtes asiatiques. Et le même problème se pose partout : comment les nourrir ? Malgré l'émotion du public mondial et de l’ « opinion internationale », l'aide internationale tarde, alors que les besoins sont immédiats et énormes.

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Face à l'indifférence des gouvernements étrangers, celui de Malaisie prend alors, le 17 juin, la décision brutale, répercutée par la presse du monde entier, de « rejeter à la mer tous les réfugiés vietnamiens et de faire tirer, si nécessaire, sur les embarcations qui approchent ». C’est du chantage mais la Malaisie a gagné ! L'aide étrangère s'organise aussitôt et les réfugiés de la mer sont sauvés.

 

La Thaïlande a compris la leçon que seul un coup de force semblable à celui de la Malaisie sera capable de remuer l'opinion mondiale, à qui il devient nécessaire de rappeler que les réfugiés « terrestres » cambodgiens ont tout autant besoin des secours internationaux que les réfugiés de la mer vietnamiens. Au milieu de juin, le gouvernement de Kriangsak fait donc connaître qu'il a, lui aussi, pris la décision d'expulser les réfugiés cambodgiens dont 43 000 sont donc ramenés de force au Cambodge, dans des circonstances qui provoquent la mort  d'un grand nombre d'entre euxscandale dénoncé même dans la presse thaïe.

 

L'émotion soulevée dans le monde par ces expulsions et la promesse d'aide internationale que cette émotion a suscitée ont fait que, finalement, le gouvernement de Bangkok a suspendu les expulsions, le but recherché étant atteint : le H.C.R accepte de prendre à sa charge l'assistance des « immigrants illégaux », au même titre que les réfugiés.

 

La politique consistant « à agir brutalement pour faire sursauter le monde » ainsi qualifiée par le Siam Rath du 24 juin 1979 a parfaitement réussi : une conférence internationale est convoquée d'urgence à Genève en juillet 1979, selon les vœux des pays de l'A.S.E.A.N pour tenter de trouver une solution au problème des réfugiés indochinois. Bien qu’elle ait été réunie dans un but humanitaire et non politique, de nombreuses délégations blâmèrent le Vietnam pour sa façon de traiter le problème des réfugiés. Sous la pression, Hanoï finit alors par accepter le principe des « départs organisés ». C’était dire que les « émigrants  potentiels », ayant désormais la possibilité de devenir des émigrants légaux, n'auraient plus besoin de fuir en bateau pour gagner le pays de leur choix. De cette façon, le problème aurait été résolu à la source comme ne cessaient de le réclamer les pays de l'A.S.E.A.N.

 

Mais la réalité fut différente. Car les « départs organisés » n'ont fait que diminuer le nombre des réfugiés de la mer, sans arrêter les départs clandestins. Si bien que trois ans plus tard, en 1982, le problème subsistait. Cependant, le but immédiat de la Conférence fut atteint. Les 65 délégations présentes promettent leur aide pour le financement des secours (190 millions de dollars) et pour l'accueil de 260.000 réfugiés des camps.

 

La Thaïlande et la Malaisie sont satisfaites. Devant cette réussite, Kriangsak annule les ordres d'expulsion et annonce sa nouvelle politique des « portes ouvertes » le 19 octobre 1979. A partir de cette date, tous les Cambodgiens massés à la frontière sont invités à venir remplir les camps que l'on va construire exprès pour eux, grâce à l'aide internationale  et 300.000 places y sont prévues. Mais cette « invitation » n'obtint pas les résultats escomptés, car une partie seulement des réfugiés acceptèrent d'être internés dans des camps, les autres, le plus grand nombre, préférèrent conserver leur liberté sur le sol cambodgien. Et c'est ainsi que 160.000 réfugiés supplémentaires sont devenus, sur invitation officielle, des « immigrants illégaux ».  Singulière logique asiatique ?

 

... à proximité d'un camp de réfugiés cambodgiens ...

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Dans un premier temps, seuls les Cambodgiens ont été ainsi déclarés « immigrants illégaux ». Par la suite, mais elle ne sera pas sous la responsabilité de Kriangsak, dans un but de « dissuasion humaine » généralisée, les autorités thaïlandaises décrétèrent le même traitement, d'abord pour les Laotiens, en janvier 1981 (Kriangsak est toujours là), et ensuite pour les Vietnamiens, en août 1981. A partir de ces dates respectives, les Laotiens et Vietnamiens nouvellement arrivés ne sont plus des réfugiés et, comme les Khmers, sont internés dans des camps spéciaux de « dissuasion humaine ». Etant des « immigrants illégaux », ils ne peuvent présenter une demande de départ pour un pays tiers et, de plus, les services officiels des organisations internationales ne peuvent les visiter.

 

La politique menée -« accommodante » à l’égard de Pékin  avec succès, pour éradiquer le communisme et l’irrédentisme Lao-Isan, ne laisse guère de temps à Kriangsak pour gérer en 843 jours les questions internes qui lui tenaient manifestement à cœur. Un succès, un échec, un succès mitigé et une porte ouverte.

 

Le planning familial

 

Une diminution spectaculaire de la mortalité infantile à partir de 1975 (pour les enfants entre 29 jours et un an, elle passe par exemple de 26 à 13 % entre 1975 et 1980) est susceptible d’entraîner rapidement des problèmes de surpopulation. Dès le 7 juin 1978, Kriangsak engage une spectaculaire opération de planning familial  portant sur 1,3 milliards de baht  pour réduire le taux de croissance de la population alors de 2,5% par an à moins de 2,1%.  414 millions de baht proviendront du budget ordinaire et le reste de prêts étrangers : Banque mondiale: 600 millions de baht, USA : 110 millions de baht, Canada : 120 millions de baht, Australie : 60 millions de baht et Norvège : 60 millions de baht. Ce fut assurément un succès à long terme – continué par la suite - puisque le taux était en 1987 de 2,3 % et de 1,9% en 1994.

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L’éradication de la prostitution ?

 

Existant de tous temps, elle prit un aspect spectaculaire qu’elle n’a toujours pas perdu avec l’arrivé des Américains et a continué après eux. Le général est un homme « de famille » à la vie privée exemplaire (une seule femme et deux enfants). Son projet de sauver Bangkok et d'autres villes thaïlandaises de devenir les capitales du sexe en Asie n’aboutit pas. Comment d’ailleurs aurait-il pu mettre un terme à ces « entreprises » qui constituent une part importante des ressources procurées par le tourisme reste une énigme.

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L’économie

 

Settakit (เศรษฐกิจ), tel se nomme le dieu suprême de la Thaïlande.


L’économie de la Thaïlande est florissante. Les années 1977, 1978 et moitié 1979 ont vu connu un boom extraordinaire même si le démarrage date des années 1960. Pour la période 1960-1976, le produit national a été multiplié par 6. Dans le même temps, le produit national par habitant s’est vu multiplié par 4, la différence venant bien sûr de l’augmentation de population. En tenant compte du fait que les prix ont presque doublé en seize ans, on estime que la richesse de la moyenne des Thaïs a donc été multipliée par 2. Sur le plan du revenu par habitant, la Banque Mondiale place la Thaïlande en 1979 au 83ème rang des pays pauvres c’est-à-dire qu’il y en a 82 de plus pauvres.

 

Malheureusement, c’est la répartition de la richesse qui pose des difficultés. 

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iI y a certes de la richesse dans le pays, mais elle n’appartient malheureusement qu’à un petit nombre de personnes. La distribution de la richesse et du revenu laisse beaucoup à désirer. Quelques groupes de la population ont bénéficié de l’expansion économique de ces années plus que les autres. Ces « autres » constituent en fait la majorité de la population : ce sont ceux qui sont employés dans le travail manuel, tout particulièrement les paysans et la basse couche des ouvriers de l’industrie. La minorité riche achète un nombre considérable de véhicules étrangers de luxe dont le prix est pourtant exorbitant et est cause en partie du catastrophique déficit de la balance commerciale. C’est le secteur industriel qui bénéficie presque exclusivement de l’expansion, tandis que le secteur agricole ne progresse que très peu. Dans le domaine des exportations, les produits industriels manufacturés représentaient seulement 10 % du total en 1971 et 40% en 1979. Cette expansion industrielle est remarquable, mais elle est en fait la cause de l’accélération du déséquilibre de la richesse, car c’est une toute petite minorité qui en bénéficie. Elle n’a donc pas de retombée sur l’ensemble de la population. Au contraire, l’industrie moderne qui s’installe en Thaïlande, en employant peu de personnel, n’absorbe pas la nombreuse main-d’œuvre inemployée du pays ; et, en produisant beaucoup, elle oblige les petites exploitations familiales à fermer peu à peu. Quant à la production agricole, malgré la grande réussite du sucre, du manioc et du maïs, venus s’ajouter au riz traditionnel, elle reste à un taux de croissance considéré comme un des plus bas du monde. En ce qui concerne l’inflation, elle est sérieuse. D’environ 10 % en 1978, elle atteindra entre 15 et 20 % en 1979. Mais l’inquiétude vient surtout de son mode d’apparition. En effet, elle est intervenue avant toute augmentation de salaires, avant que l’interaction salaires-prix ait commencé à jouer. De là l’inquiétude des milieux gouvernementaux, économiques et syndicaux. Que va-t-il se passer quand par la force des choses, les salaires commenceront à être relevés. En fait, les salaires des fonctionnaires du gouvernement ont été augmentés, mais avec effet seulement à partir de janvier 1980. Cette augmentation a été fixée à 20 % et concerne une proportion importante de la population. Il est vrai que le gouvernement a aussi augmenté le salaire minimum journalier des manœuvres et petits ouvriers. Mais cela concerne si peu de gens et pour une somme totale d’augmentation tellement minime, que ça ne peut jouer sur l’inflation. Pour Bangkok, le salaire passe de 35 à 45 baths par jour et en province, de 25 à 35 bahts. Tout ceci contient en germe un conflit social que le gouvernement ou son successeur pourra avoir des difficultés à résoudre sereinement.

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Les liens avec le monde ouvrier

 

Les intentions de Kriangsak étaient de transformer ce qui n’était qu’un département du Travail en un bureau autonome dont le responsable aurait rang de ministre et ce dans le cadre d’un projet de plan quinquennal (1982-1986) qu’il ne put évidemment pas mener à terme. Si ce projet ressurgit en 1986, il semblerait que cette décision (qui ne vit le jour qu’en 1993) n'était que politique : un portefeuille de ministre et deux de vice-ministres à partager entre les membres des coalitions. Sous le gouvernement précédent Thanin (octobre 1976 - octobre 1977), les syndicats auxquels on proposait  de participer à des cérémonies religieuses plutôt qu'à des meetings s'étaient rapprochés de chefs militaires, Kriangsak en particulier.

 

Le 20 octobre 1977, dès que celui-ci eut renversé Thanin, les syndicats organisèrent un vaste rassemblement d'union au cours duquel Kriangsak vint serrer la main des leaders syndicaux. Ne disposant pas dans l'armée d'une base suffisamment solide, souhaitait- il  seulement se constituer une clientèle ou laissait-il parler son cœur ? Lorsqu'il devint Premier ministre le 11 novembre 1977, il prit également le poste de ministre de l'Intérieur qui avait sous son contrôle direct le département du Travail et choisit de nommer vice-ministre de l'Intérieur chargé du Travail Damri Noimanee, qui avait été directeur général du département du travail en 1972 lorsque le droit de grève fut à nouveau en vigueur. Il fit nommer sénateurs trois des leaders syndicaux les plus populaires dont Ahmad Khamthesthong et Sawat Lookdote. Dans un entretien avec l'hebdomadaire Suwannaphum du 18 février 1980, quelques jours avant le « départ volontaire » de Kriangsak le 29 février, deux responsables du syndicat du rail, Ahmad Khamthetthong et Sawat Lookdote, ne faisaient pas mystère de leurs liens avec le groupe des « soldats démocratiques ». Lors du coup d’état manqué du mois d'avril 1981 les leaders syndicaux furent convoqués au quartier général des troupes rebelles et plusieurs des plus connus, comme Paisal Thawatchainan et surtout Sawat Lookdote, se montrèrent à la télévision très favorables au coup d’état et très critiques envers le gouvernement du général Prem Tinsulanonda. Ils auraient selon une rumeur persistante, dressé une liste noire des patrons « à éliminer » après leur coup d'État, mais après leur échec, ils réussirent cependant à persuader l'opinion qu'ils avaient agi « sous la pression » et qu'ils étaient opposés l'utilisation de méthodes « non démocratiques » pour conquérir le pouvoir. En janvier février 1983, un autre dirigeant syndical leur reprochait de négliger les conflits des travailleurs pour ne s'intéresser qu'à la politique : ils soutenaient en effet la campagne des militaires pour amender la constitution. Paisal, proche du général Kriangsak, déclarait à l'hebdomadaire tawan mai du 10 août 1981 : « en vérité, les soldats comprennent les ouvriers et ce serait l'idéal si l'institution militaire et les ouvriers se donnaient la main... ». 

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Le 9 septembre 1985, lorsque les militaires déjà auteurs de la tentative d'avril 1981 alliés à quelques généraux en retraite dont probablement le général Kriaengsak, tentèrent un coup d'État, neuf leaders syndicaux, dont surtout Ahmad et Sawat, se rangèrent du côté des révoltés et essayèrent de mobiliser les travailleurs. Dès 15 h 30 le coup avait échoué. Les jours suivants, Ahmad Khamthesthong et Sawat Lookdote, tous deux sénateurs, furent questionnés et arrêtés pour avoir soutenu le coup. Alors que les généraux, instigateurs du coup, furent rapidement libérés sous caution, les syndicalistes arrêtés, dont Ahmad et Sawat, passèrent près de deux ans en prison.

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Toujours est-il que le 29 février 1980, Kriangsak  étonna la Thaïlande et le monde  en adoptant la démarche « démocratique » de démissionner plutôt que d'être renversé, disant au parlement qu'il sentait qu'il n’avait plus le soutien du public (et surtout d’une partie de l’armée !). Il avait exercé le pouvoir sans partage pendant 28 mois. Bien que ce départ ait été qualifié de volontaire, on peut penser que la « pression militaire » a forcé le premier ministre dans un « coup d'état silencieux ». Prem a pris le pouvoir et le gardera pendant 8 ans et 5 mois.

 

Cette chute était-elle liée à la dilection que Kriangsak manifestait à l’égard de Pékin en désaccord avec la géopolitique américaine plus ou moins incohérente du président Carter qui recherchait des accommodements avec Moscou au sujet du Vietnam et que l’on dit avoir été disposé à « céder » le Cambodge contre l’Afghanistan ? Peut-on voir derrière ce coup d’état silencieux la griffe de la CIA ?

 

Kriengsak mourut sans faste et loin du pouvoir le 23 décembre 2003. Bien qu’ayant fondé le parti Chatprachathipatai qui fit élire 15 députés aux élections législatives du 18 avril 1983 et – peut-être – participé au moins indirectement au coup d’état de 1985, il resta jusqu’à sa mort éloigné de la vie politique.

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SOURCES

 

Le site officiel du gouvernement thaï :

https://www.soc.go.th/iframe.php?url=http://www.soc.go.th/eng/index.htm

comprend de nombreux chapitres : Prime Minister History - History of the Cabinet -

Government 's Policy - Best Things Best - Prime Minister Office - Visit the Government House - Government achievement

Le site remarquable site germanophone :

http://www.payer.de/thailandchronik/chronik1977.htm (et la suite pour les années 1978 – 1979 – 1980).

Le site des Missions étrangères de Paris, Rapport 1879 :

http://archives.mepasie.org/actualites

 

« Les réfugiés indochinois … De la pitié au cynisme », article signé PAD in Les études de décembre 1982.

« Travail ouvrier et syndicats en Thaïlande », article de Jean Baffie t Xavier Oudin in : Le Mouvement social : bulletin trimestriel de l'Institut français d'histoire sociale numéro 173 de octobre-décembre 1995.

« Coups in Thailand, 1980-1991: Classmates, Internal Conflicts and Relations with the Government of the Military » par Yoshifumi TAMADA in: Southeast Asian Studies, Vol. 33, No.3, décembre 1995.

« Réfugiés asiatiques d'aujourd'hui : vers un nouveau dessin des nations » par Yamane Hiroko In:  Revue française de science politique, 32ᵉ année, n°3, 1982. pp. 505-526.

« Chronicle of Thailand since 1946 » par Nicholas Grossman, Editions Didier Millet, 2009.


NOTES

 

(1) Notre article 230. « LA DICTATURE « CIVILE » DE THANIN KRAIVICHIEN (6 OCTOBRE 1976-20 OCTOBRE 1977 »)

 

(2) Tout est évidemment question de terminologie ! Voir notre article 214 – « COMBIEN DE COUPS D’ÉTAT, DE RÉBELLIONS, DE RÉVOLTES ET DE SOULÈVEMENTS EN THAÏLANDE DEPUIS LE DÉBUT DU SIÈCLE DERNIER ? ». Si nous y ajoutions avant le début du siècle dernier les révolutions de palais qui sont également des coups d’état, la Thaïlande aurait certainement une place d’honneur au « Livre des records ».

 

(3) Nous avons une biographe sommaire sur le site officiel :

http://www.thaigov.go.th/index.php/th/primeminster/item/78221-นายกรัฐมนตรีคนที่-15- พลเอก-เกรียงศักดิ์-ชมะนันทน์.

 

(4) Nous nous sommes dans notre précédent article (1). Interrogé sur ce mouvement dit ou plutôt surnommé « les jeunes Turcs ». Surnommé par qui ?  Ils ne se sont jamais qualifiés de ce vocable. Nous n’en avons en tous cas trouvé aucune trace dans la presse ou les sites thaïs. Ils étaient Thahan Prachathippatai (ทหารประชาธิปไตย = étymologiquement ประชา = le peuple, อธิปไตย = le souverain)  que l’on peut sans erreur traduire par « les soldats de la démocratie » ou « l’armée de la démocratie ». 

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« Jeunes Turcs » ? Mais d’où   vient donc le terme ? Il est probablement issu de l’imagination de quelque journaliste, lesquels ont souvent une permanente et orgueilleuse prétention à l’omniscience et a été unanimement repris et recopié, utilisé à toutes les sauces, bonnes ou mauvaises.

 

« Jeunes Turcs » ? La belle affaire ? C’est le parti, créé à la fin du XIXème siècle, qui a conduit au renversement du Sultan, à la laïcisation forcenée, la « turquification » du pays et à l’éradication du Califat, organe suprême de la religion mahométane, laquelle est privé de tête depuis lors ce qui permet aujourd’hui au premier venu de s’autoproclamer iman avec les conséquences que l’on sait. C’est le mouvement qui a conduit à une infâme épuration ethnique, chrétiens orthodoxes, Kurdes et Arméniens, 1 ou 2 millions de morts...

 

Jeunes turcs à l'oeuvre :

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... sans oublier, « question de détail », l’interdiction d’utiliser l’alphabet arabe traditionnel, toute la population dut apprendre à lire et à écrire ! « Jeunes Turcs » ? Un bel exemple donc et l’exemple d’un vocable utilisé de façon consternante !

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(5) Ce n’est probablement pas un effet du hasard s’il ne fut jamais honoré du titre de « field Marshall » (Chomphon จอมพล).

 

(6) La Constitution prévoit une Assemblée nationale à deux chambres composée d'un Sénat et d'une Chambre des Représentants. Le Sénat se compose de membres nommés par le Roi (en réalité par Kriangsak) parmi des « personnes qualifiées ayant des connaissances et une certaine expérience dans divers domaines culturels ou des affaires pouvant être utiles en matière d'administration de l'Etat ». Le nombre de sénateurs ne doit pas dépasser les trois quarts du nombre total de représentants élus. Les sénateurs seront 225 et tous nommés pour 6 ans. Le nombre des représentants élus est proportionnel au nombre d'habitants de chacune des changwats (provinces) à raison d'un représentant par 150.000 habitants et d'un autre par fraction supérieure à 75.000. Chaque province élit au moins un représentant. Ainsi calculé, le nombre des représentants sera de 301, tous élus pour 4 ans. Est électeur tout Thaïlandais de naissance (nous allons voir que ce mot a son importance) âgé de 20 ans révolus le 1er janvier de l'année des élections, à l'exception des aliénés mentaux, des sourds, des muets et des illettrés, des membres du clergé bouddhiste et des personnes détenues par décision judiciaire. Etablies au niveau provincial, les listes électorales sont révisées chaque année. Le vote n'est pas obligatoire. Est éligible à la Chambre des Représentants tout Thaïlandais de naissance âgé de 25 ans révolus le jour des élections. Ne sont toutefois pas éligibles les faillis non réhabilités, les toxicomanes, les personnes frappées d'interdiction de vote (à l'exception des détenus), les individus qui purgent une peine de prison et ceux qui, le jour du scrutin, ont été libérés depuis moins de cinq ans après une condamnation de deux ans ou plus, sauf s'il s'agit d'un délit commis par négligence.

 

Le mandat de représentant ne peut pas être exercé par les fonctionnaires de l'Etat ou des gouvernements locaux (à l'exclusion des responsables politiques), les titulaires de postes permanents ou les salariés, les employés d'un organisme de l'Etat ou d'une entreprise nationale, les membres d'une assemblée locale et les personnes qui bénéficient d'une concession d'un organe du Gouvernement ou en reçoivent un profit, ou qui sont parties à un contrat passé avec l'Etat. Les sénateurs doivent être des Thaïlandais de naissance âgés de 35 ans. Ils ne doivent toutefois être membres d'aucun parti politique. A l'instar de celui de représentant, le mandat de sénateur ne peut pas être exercé par des agents d'un organe gouvernemental ou d'une entreprise d'Etat, les membres d'une assemblée locale, les responsables ou les fonctionnaires des gouvernements locaux (à l'exception des Ministres et des responsables politiques) et les personnes qui bénéficient d'une concession de l'Etat ou d'un organe gouvernemental ou d'une entreprise d'Etat ou qui sont liées par un contrat passé avec l'Etat. Pour les élections à la Chambre des Représentants, chaque changwat est généralement considéré comme une circonscription qui élit un nombre égal ou approximativement égal de représentants. Le nombre total de circonscriptions est de 126. Les représentants sont élus à la majorité simple, chaque électeur disposant d'autant de voix qu'il y a de représentants à élire dans sa circonscription. Tout candidat à la Chambre doit verser une caution de 5.000 bahts. En cas de vacance de sièges en cours de législature, il est procédé à une élection partielle dans les 90 jours qui suivent, sauf si la durée restante du mandat de la Chambre est inférieure à 180 jours. Les sièges vacants au Sénat sont pourvus par nomination du Roi.

 

La Constitution comporte un long chapitre sur les droits et les libertés du peuple, dans lequel sont garantis la sainteté de la famille, les droits de propriété et d'héritage, la liberté du travail sauf en cas d'urgence nationale ou de conflits armés, et l'inviolabilité des personnes et des communications privées. La censure est interdite, sauf par la loi dans le but de préserver l’« ordre public, les bonnes mœurs, la sécurité publique, ou pour maintenir la sécurité de l'Etat ». Elle garantit encore la liberté de la presse, la liberté d'expression, la liberté de culte, et le droit de réunion pacifique, la liberté de résidence et de circulation dans le royaume, le droit d'organiser des associations bénévoles, le droit de créer un parti politique et de participer à des activités politiques dans un cadre démocratique et enfin le droit de pétition contre les institutions publiques. Ces droits et libertés, cependant, ne doivent pas être utilisés contre l'intérêt de « la nation, la religion, le roi, et la Constitution ».

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(7) Citons en particulier les farouches Thahan Phran (ทหาร พราน, littéralement « soldats chasseurs ») une force d'infanterie légère paramilitaire créée en 1978 à l’instigation du général Chavalit Yongchaiyudh (ชวลิต ยงใจยุทธ) ...

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"... qui patrouille les frontières et fait partie de la Royal Thai Army (กองทัพบกไทย). Ils agissent en collaboration avec la police des frontières (ตำรวจ ตระเวณ ชายแดน), mais sont formés et équipés pour engager le combat tandis ce que ne sont pas les membres de la police des frontières. Leur mission est évidemment de lutter contre le parti communiste (พรรค คอมมิวนิสต์ แห่ง ประเทศไทย) et de chasser les guérilleros de leurs bastions montagnards. L'unité devait être composée de recrues des régions touchées par l'insurrection communiste auxquelles seraient donné des cours de formation intensive de 45 jours, équipés d’ armes modernes, puis renvoyé dans leurs villages pour monter des opérations de contre- guérilla contre les communistes. Orfèvre en la matière, le général Chavalit Yongchaiyudh avait servi d’instructeur aux volontaires avant leur départ pour le Vietnam. Ils furent toutefois, à tort ou à raison, accusés d’avoir incorporé comme recrues des délinquants condamnés et blanchis, des voyous locaux ou de simples mercenaires. Mais leur rôle dans les opérations de contre-guérillas fut essentiel dans la mesure où ils remplacèrent 80 % des unités de l’armée régulière. Leur histoire est « mouvementée », souvent accusés d'atrocités, d’abus de pouvoir, et d'implication dans le trafic de drogue. La suite de leur histoire après 1980 n’est pas d’actualité dans cet article !

 
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