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  • : Le blog des Grande-et-petites-histoires-de-la-thaïlande.over-blog.com
  • : Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
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  Il était une fois Alain, Bernard …ils prirent leur retraite en Isan, se marièrent avec une Isan, se rencontrèrent, discutèrent, décidèrent un  jour de créer un BLOG, ce blog : alainbernardenthailande.com

Ils voulaient partager, échanger, raconter ce qu’ils avaient appris sur la Thaïlande, son histoire, sa culture, comprendre son « actualité ». Ils n’étaient pas historiens, n’en savaient peut-être pas plus que vous, mais ils voulaient proposer un chemin possible. Ils ont pensé commencer par l’histoire des relations franco-thaïes depuis Louis XIV,et ensuite ils ont proposé leur vision de l'Isan ..........

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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 22:01
211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI

Nous connaissons bien Pridi, l’ « homme qui a ouvert la Thaïlande à la démocratie » comme il est de bon ton de le qualifier un peu hâtivement, depuis le coup d’état de 1932 jusqu’à sa montée au pouvoir, sa chute et sa mort en exil en France. Nous avons dans notre article A - 200 analysé la thèse de Arjun Subrahmanyan « Reinventing Siam : Ideas and Culture in Thailand, 1920 - 1944 » soutenue en 2013 à l’Université de Berkeley (Californie) qui donne sa version de la « révolution de 1932 », une révolution incomplète, dit-il, et nous invite à la repenser, en nous rappelant ce qu’était le Siam à cette époque. 

211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI

C’est également le personnage du « père de la démocratie thaïe » qu’il faut repenser. Ses traditions familiales, ses propres souvenirs d’enfance, ses petits secrets de famille, ses écrits, ses correspondances et ses discours nous apportent quelques éléments de réflexion. Ses ascendances aussi peuvent nous éclairer sur sa future vie publique : en 1913 déjà Freud écrivait : «  Nous postulons l’existence d’une âme collective et la possibilité qu’un sentiment se transmettant de génération en génération … ». C’est ce que certains baptisent pompeusement du nom de « psycho-généalogie ».

211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI

Nous avons bénéficié d’une source exceptionnelle sur le site Internet que lui consacrent ses amis, dont l’essentiel est en thaï et l’ouvrage « Pridi by Pridi » au titre évocateur, publié à l’occasion du centenaire de sa naissance (1) qui en est malheureusement qu’une très partielle traduction.

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Des ascendances directes ou collatérales prestigieuses :

 

Ce qu’en dit Pridi est évidemment le fruit de la tradition orale familiale. Si elle est toujours respectable, parfois embellie, il y a évidemment des limites temporelles à l'oralité et au maintien de la mémoire, surtout dans les sociétés où l’écrit est peu répandu : cette question a fait l’objet de nombreuses études pour l’Afrique (mais apparemment pas pour l’Asie ?) Certains peuples d'Afrique peuvent se souvenir d'évènements marquants remontant plusieurs siècles en arrière, même si avec le temps les détails sont oubliés, transformés ou enjolivés. Si Pridi appartient à une famille de lettrés, tous les écrits la concernant ont probablement disparu lors du sac de leur maison familiale par les Birmans.

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Sur la rive nord du Klong  Muang  (คลองเมือง) à un kilomètre à l’ouest de l’ancien mur du palais (Ayuthaya อยุธยา) se trouve un temple. Les anciens nous ont transmis l’histoire de la nourrice de l’un des rois de la période d’Ayuthaya qui avait construit un temple. Cette nourrice s’appelait Prayong (ประยงค์, c’est le nom d’un arbre aux vertus médicinales, Aglaia odorata Lour). A cette époque, le choix de la mère nourricière des princes obéissait à des règles très strictes et l’on peut penser que la fonction était prestigieuse. La nourrice devint riche en tous cas puisqu’elle put construire ce temple (2).
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A cette époque, le peuple d’Ayuthaya prononçait le mot qui définit la nourrice en langage royal (rachasap) พระนม, phranom, phanom, en avalant le « R » et l’écrivait phnom พนม en éludant le « A ». En outre, lorsque ces personnes utilisaient des mots à plusieurs syllabes, ils avaient tendance à supprimer la première ou la dernière, ainsi Prayong devenait volontiers Yong. La population d’Ayuthaya connaissant cette nourrice sous le nom de Phanomyong (พนมยงค์). 
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Par conséquent le temple portait le nom de la personne qui l’avait construit, et ce nom avec cette orthographe (วัด พนมยงค์) traversa les générations. Aux environs de 1923, certains orthographièrent le nom de façon différente, lui donnant un sens différent de son sens historique. On l’appelle aujourd’hui parfois watmènomyong (วัดแม่นมยงค์ le temple de la nourrice Yong)

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Quand notre nourrice Phrayong ou Phanomyong eut terminé la construction du temple, elle vint accomplir ses dévotions au wat Phraphuttabat  (วัดพระพุทธบาท) ainsi appelé car il contient une sainte empreinte du pied de Buddha découverte miraculeusement en 1623 par le roi Songtham (3). Ce temple a été saccagé par les Birmans et sa structure actuelle est récente. Elle se rendit ensuite au wat Phraphuttachai (พระพุทธฉาย) dans la région de Saraburi (สระบุรี) (4). Elle fit construire un chedi en hommage à Buddha au sommet d’une colline à environ 10 kilomètres au sud de la montagne de Phrachai (เขา พระฉาย สระบุรี). Les habitants appelèrent cette colline la colline Phanomyong.
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Notre nourrice établit ensuite sa résidence au sud du Klong  Muang  face au temple qui portait son nom, Phanomyong, et sa descendance resta dans les environs. Les années s’écoulèrent et ils devinrent incapables de remonter leur généalogie sur plusieurs générations mais il y avait un lien entre eux, ils savaient tous que le temple était celui construit par leur ancêtre. Même ceux qui avaient quitté la région revenaient y accomplir les mérites.
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Après plusieurs générations, la maison construite par Prayong était par héritage échue à un dénommé Nai Kroen (นายเกรินทร์) né à l’époque de l’invasion d’Ayuthaya par les Birmans en 1767. Son père (dont le nom est oublié) avait été à la tête d’une armée qui s’était opposée aux Birmans dans le tambon de Sikuk ศรีสุก (5). Il y perdit la vie. Quand la mère de Nai Kroen apprit la nouvelle de la mort de son époux, les envahisseurs approchaient de la ville. Elle prit Nai Kroen son fils, quelques parents et s’enfuirent dans la direction de  la rivière Pasak (แม่น้ำป่าสัก) chez des parents dans le tambon de Tha Luang (ท่าหลวง) aux environs de Saraburi. 

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Ils pensaient être ainsi éloignés des lignes ennemies. Ils y restèrent jusqu’à ce que le roi Taksin (ตากสิน) boute les ennemis hors du pays. La mère de Nai Kroen retourna alors dans sa maison face au temple de Phanomyong. Elle avait été détruite par les Birmans comme les autres maisons et les temples. Elle construisit donc sur le terrain une maison en bambou. 

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Elle vécut alors de la confection et de la vente de bonbons. Ils étaient délicieux et furent rapidement connus sous le nom de « les bonbons de la maison en face du temple de Phanomyong ». Ses talents et ses secrets dans la confection des bonbons passèrent à ses descendants sur plusieurs générations (6). 

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Les familles qui vivaient aux environs du temple avant l’invasion birmane redonnèrent vie au district. La mère de Nai Kroen prospéra et fut en état de remplacer rapidement sa maison de bambou par une maison de bois. Elle prit l’initiative de recueillir des fonds auprès des voisins et parents pour construire un nouveau temple sur les fondations de l’ancien et d’inviter des moines d’autres temples à s’y installer.

 

Nai Kroen entra au temple à 20 ans, y resta dix saisons et devint abbé avant de quitter la robe. Il épousa alors Kaew (แกว), fille du chef d’orchestre du tambon de Suan Prik (สวนพริก) non loin d’Ayuthaya. Ils eurent quatre filles, Pin, Bunma, Sap et On.

 

La première, Pin épousa Nai Kok Sae Tang dont elle eut deux fils, Koet et Tua. Leurs descendants quittèrent la région, utilisèrent des noms divers mais une partie d’entre eux conserva celui de Phanomyong. Une sœur de Pin, Bunma est par ailleurs l’arrière-grand-mère de Pounsuk, l’épouse de Pridi.

 

La seconde, Bunma, épousa Phra Phithakthepthani alias Duang, assistant du gouverneur d’Ayuthaya, et leur descendance prit le nom de Na Pombejra (ณ ป้อมเพชร) sur décision du roi Vajiravudh du 2 juillet 1913, qui leur avait  ce privilège regrettant – dit-il – de ne pouvoir les autoriser à porter le nom de Na ayuthaya (ณ อยุธยา) qui est son apanage et celui des personnes de sang royal (7).

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La troisième, Sap, épousa un Chinois dont elle eut deux fils Ruan et Phung alias Khun Prasoet, trois filles, Suk, Phuak et Chan et d’autres qui ne firent pas souche.

 

La quatrième, Onest ignorée des souvenirs de Pridi.

 

Nai Kok Sae Tang, arrière-grand-père paternel de Pridi, était né en 1794 dans le village de Etang, district de Thenghai dans la région de Shantou en Chine. Ses ancêtres avaient quitté le Hokkien pour s’établir à Etang près du district de Hai Huang. Nai Kok Sae Tang vint se placer sous la protection du roi du Siam en 1814. Il était le fils de Seng, lui-même fils de Heng qui serait arrivé au Siam lorsque Seng était tout petit. La mère de Heng était la propre tante de Tae Ong, le nom chinois du roi Taksin. Heng participa à la lutte de Taksin contre les Birmans. Seng envoya ensuite son fils Kok Sae Tang pour faire du commerce au Siam.

 

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Que savons-nous de Heng, grand père de Kok Sae Tang ?

 

Il est venu au Siam sous le règne de Suriyamarin ou Ekkhatat (เอกทัศ สุริยาสน์อมรินทร์) le dernier roi d’Ayutthaya et s’était installé avec des parents de Taksin dans le voisinage de Khlong Suanphlu (คลองสวนพลู) dans les environs d’Ayuthaya, qui était à l’époque un quartier chinois. Lorsque les Birmans envahirent le royaume, le roi appela son peuple à défendre la cité et de nombreux chinois, y compris Heng, se placèrent dans l’armée de Taksin.

 

Nous connaissons l’histoire, les Birmans investissent le pourtour de la ville et la bombardent avec des canons de gros calibres. Taksin constate que le roi  qui ne se comportait pas « selon les dix manières d'un roi » était incapable de défendre le pays ce qui signifiait que Ayuthaya était en grand danger. Il encourage alors les Thaïs et les Chinois sous son commandement à percer les lignes birmanes et à rejoindre les populations des campagnes pour établir une « armée du peuple » capable de sauver l’indépendance de la nation thaïe.

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Par ailleurs, la famille de Heng en Chine ne recevait pas de nouvelles de lui  depuis plusieurs années, les communications étant interrompues du fait des hostilités. Mais après que Taksin soit monté sur le trône et ait établi sa capitale à Thonburi, il autorisa la reprise du commerce avec la Chine. Par l’intermédiaire d’un capitaine de vaisseau, la mère de Heng envoya une lettre pour féliciter Taksin de sa montée sur le trône (rappelons qu’elle était sa tante) et demandant des nouvelles de son fils. Le roi lui répondit que son fils avait perdu la vie dans la défense du pays mais qu’il offrirait à sa famille d’importantes compensations financières.

 

Seng était né en Chine quelques mois avant que Heng son père ne rejoigne Ayuthaya. Sa mère considéra qu’il était alors en âge de faire le voyage pour aller servir le roi de Thonburi. Mais compte tenu du changement de dynastie au Siam, Seng préféra rester en Chine où il vécut comme paysan, il se maria et eut son fils Nai Kok. Lorsque celui-ci eut 20 ans, les efforts de ses parents pour vivre correctement s’avérèrent. Son père (avant sa mort) lui donna alors son héritage, un tamlung ตำลึง d’argent (60 grammes mais la somme était probablement considérable pour l’époque) pour aller chercher fortune au Siam. 

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1Il arriva à Bangkok, y resta peu de temps et rejoignit Ayuthaya. Il savait faire de la farine à partir de riz fermenté, à la façon des Chinois, des bonbons à la façon chinoise, les tofus, et le soja fermenté. Il utilisa donc son capital pour se livrer à ces activités. Il fit rapidement fortune. Pour étendre ses activités, il emprunta de l’argent à ses proches. Il acheta une maison flottante qu’il amarra à proximité du marché du temple de Phanomyong. Il fut capable de rembourser l’argent emprunté à ses créanciers, son statut avait changé, de petit capitaliste, il était devenu un capitaliste provincial moyen. Ainsi devenu « capitaliste moyen », il épouse Pin, fille de Nai Kroen comme nous le savons. Il apporte en guise de dot son capital et sa maison flottante. Il la transporta alors de son ancien emplacement face à la maison de son beau-père, non loin du temple Phanomyong. Lui et son épouse étendirent alors leurs activités, faisant des bonbons de style thaï et d’autres de style chinois et en créant d’autres (6). Il s’adapta à sa nouvelle situation, respectant les traditions chinoises sans entrer en conflit avec la culture et le mode de vie thaïs de son épouse. Très pieux, il pratiquait le bouddhisme thaï, devint collaborateur des moines du temple de Phanomyong mais continuait à pratiquer les cérémonies propres au bouddhisme chinois. 

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Riche, le couple possédait des esclaves, mais en pieux bouddhistes, ils leur rendaient leur liberté en les faisant ordonner comme moine, une méthode qu’ils transmirent à leurs enfants et leurs petits-enfants tant que l’esclavage resta une institution. Nai Kok mourut très âgé avant son épouse. Celle-ci le fit incinérer selon le rite bouddhiste en enterra ses cendres près de leur maison.

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Elle-même mourut peu de temps après. Ils avaient deux fils, Nai Koet et Nai Tua. Le premier se maria et s’installa dans la maison de famille qu’il avait reçue en héritage. Le second se maria et s’installa à quelques centaines de mètres de là.

 

Nai Koet était né sous le second règne (1824-1851). Lorsqu’il était petit et avait appris à nager, il tomba un jour de la maison flottante dans le canal. Ses parents aidés d’autres voisins, réussirent à la tirer de l’eau. Nang Pin sa mère décida avec l’accord de Nai Kok son père de l’appeler « Bunkoet » (บุญเกิด mérite-naissance) en guise de reconnaissance mais rapidement, le nom fut abrégé en Koet.

 

Il commença à étudier le thaï avec l’abbé du temple de Phanomyong. Quand il eut vingt ans, il devint moine une saison au même temple puis retourna ensuite aider ses parents dans leurs affaires.

 

Plus tard, il épouse Khum, fille d’un commerçant du tambon de Phra Ngam (พระงาม) dans l’amphoe de Wisetchaichan (วิเศษชัยชาญ) dans la province d’Angthong  (อ่างทอง). Ils héritèrent de l’affaire de Nai Kok et Nang Pim et la firent prospérer. Ils améliorèrent encore la qualité des bonbons, trouvèrent des formules pour les tofus et la fermentation du soja à l’aide d’un professeur venu de Chine pour en enseigner les secrets à leurs enfants. Cette recette, populaire auprès de la population d’Ayuthaya fut ensuite transmise aux générations suivantes. Ils avaient un statut de capitalistes, plus encore que leurs parents et possédaient leurs propres esclaves. Nai Koet aimait la musique, un héritage venu de ses ancêtres maternels, avait constitué un orchestre à cordes et initié l’un de ses fils à la musique.

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Il mourut à un âge avancé. Après sa crémation, Nang Khum et ses enfants construisirent un petit pavillon de style chinois derrière le mur de l’ubosot du temple de Phanomyong pour y placer ses cendres.

 

Ils eurent huit enfants, Nang Faeng, Nai Huat, Nai Chun, Nangsao Nguay, Nai Chai, Nai Ho, Nai Siang (le père de Pridi) et Nang Bunchai. Plusieurs se marièrent et quittèrent la région. Nai Huat, l’aîné des garçons, s’installa dans une maison proche de Wat Choeng Tha Wat Choeng Tha (à Ayuthaya).

 

Nai Chun s’installa près du Wat Samwihan วัดสามวิหาร à Ayuthaya et déménagea ensuite près du Wat Monthop à Ayuthaya (วัดมณฑป). Nai Chai s’installa dans la tambon de Paknam (ปากน้ำ) dans la région de Singburi (สิงห์บุรี). Nai Ho s’installa dans l’île de Loi ( ?) près du Wat Saphan Klua (วัดสะพานเกลือ) dans la province de Chonburi (ชลบุรี). Nang Faeng et Nang Bunchai, les deux filles, se marièrent et leurs maris avaient apporté en dot des maisons flottantes près du temple de Phanomyong. Nangsao Nguay resta fille. Ses frères et sœurs lui laissèrent la maison familiale et elle continua les activités de ses parents.

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Nai Siang, eut une vie plus aventureuse.

 

Les enfants mariés firent leur vie avec le capital hérité de leurs parents. Certains purent prospérer d’autre déclinèrent. En ce qui concerne l’activité de Nai Koet et Nang Khum, les enfants furent incapables de la maintenir et encore moins de la développer en raison de la concurrence.

 

Plus tard, le gouvernement installa la direction du Monthon dans le palais de  Chankasem  จัทรเกษม et toutes les administrations aux alentours. Le gouvernement créa aussi le marché de Hua Ro หัวรอ. Ces transferts étaient nécessités par l’envasement du Khlong Muang. Les environs du temple furent désertés et la vie y devint de plus en plus difficile.

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Un père atypique, religieux, cultivé, musicien, poète, médecin et agriculteur malchanceux.

 

Nai Siang était né en 1866. Il avait étudié le thaï et le pali au temple de Salapun (วัด สาลาปูน) à Ayuthaya. Il écrivait des poèmes, jouait de la musique et était particulièrement talentueux au violon et à l’harmonica. Quand il eut vingt ans, il passa trois saisons comme moine au temple de Phanomyong. Une fois quitté la robe, il épousa Lukchan fille de Luang Phanitphatthanakon (Bek) et de Nang Phanitphatthanakon (née Lek Kitchathon). Après son mariage, plusieurs personnes lui conseillèrent de rejoindre les services gouvernementaux compte tenu de ses connaissances. Mais il préférait sa liberté. Il s’intéressa à la vaccination contre la variole auprès aux côtés du docteur Adamson (en réalité Hans Adamsen) devenu plus tard Phra Bambatsappharok. Devenu médecin, il fut chargé de la vaccination auprès des populations locales.

 

Nous le retrouvons ensuite dans les environs de Phra Phutthabat (province de Saraburi) comme exploitant forestier mais il fut frappé de malaria dont la région était infestée, dut quitter son exploitation en subissant de grandes pertes financières.

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Le couple se rend alors dans la région de Tha Luang (ท่าหลวง) dans la province de Lopburi (ลพบุรี) pour y cultiver le riz. Mais au bout de deux ans de mauvaises récoltes, ils se retrouvèrent perclus de dettes. Une nouvelle expérience dans la région d’Utapao (อู่ตะเภา), province de Rayong (ระยอง) fut également désastreuse. Nai Siang planta encore du riz dans l’amphoe de Wang Noi (วังน้อย) à Ayuthaya mais ses récoltes furent ravagées par des éléphants sauvages. Il subit en outre trois ans de sécheresse suivie de plusieurs années d’inondations dévastatrices. Ses plans de riz furent également ravagés par la maladie et ses buffles, il en avait six furent volés, ces larcins étaient paraît-il fréquent à cette époque. Plus tard, les travaux d’irrigation furent assurés par  the « Siam Land, Canals and irrigation company » (8). Cette société privée constituée en 1899 dans le cadre des programmes d’irrigation sous l’égide du prince Rangsit (รังสิต), l’un des fils du roi Rama V avait obtenu une concession gouvernementale et construisit un canal aux environs de ses terres mais il dut lui payer une redevance et, sans ressources, il dut contracter des dettes pour s’affranchir (9) qui s’ajoutèrent à celles dont il était déjà perclus. Ils durent lutter plusieurs années contre la pauvreté jusqu’au projet gouvernemental de « South pasak irrigation project » (un nouveau projet initié en 1902) qui lui permit de se reconstituer un capital. De capitalistes aisés, ils étaient devenus un couple de pauvres paysan criblés de dettes, vivotant et parvenant tout juste à se reconstituer un petit avoir.

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Nai Siang avait pris une seconde épouse nommée Pui.

 

De son épouse principale, Nang Lukchan, il eut six enfants, trois garçons et trois filles, Nang Tharathonphithak (Kep), notre Pridi (né le 11 mai 1900), Nai Lui, Nang Nitithanpraphat (Chun), Nang Noeng Limpinan et Nai Thanom.

 

De sa seconde épouse, il eut un garçon, Nai Athakittikamchom, et une fille, Nang Nom Tamsakun.

 

En 1913, environ trente ans après la mort de Nai Koet et Nang Khum, fut édictée la loi sur les noms de famille, ce dont la population n’était guère soucieuse. Les noms étaient donc attribués de façon autoritaire par les autorités administratives. Quelques-uns des ancêtres de Nai Koet avaient été militaires et leur nom leur avait été attribué par leurs officiers mais ils n’avaient aucun rapport avec leurs ancêtres. Nai Koet alla alors accomplir des dévotions auprès du supérieur des moines de la province, Phra Suwanwimonsin. Il lui demanda conseil d’autant que l’un de ses élèves était responsable de l’attribution des noms dans les environs d’Ayuthaya. Le moine connaissait l’histoire des ancêtres de Nai Siang et il conseilla le choix du nom de Phanomyong (10).

 

C’est à l’école du temple de Choengtha (วัดเชิงท่า) amphoe de Tha Wasukri (ท่าวาสุกรี) près d’Ayuthaya que Pridi commença ses études à l’âge de cinq ans ans et les continua dans l’amphoe de Tha Rua (ท่าเรือ) toujours dans la région d’Ayuthaya au Wat Ruak (วัดรวก) jusqu’en 1909.

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Il suivit ensuite un cursus secondaire brillant dans diverses écoles de temples jusqu’à l’âge de quatorze ans. Il participe aussi souvent aux travaux des champs pour aider ses parents.

 

Deux événements surviennent alors à cette époque que sa famille considère avec une évidente sympathie et qui durent alimenter d’abondance les conversations familiales, n’oublions pas que le père de Pridi préféra mener une existence difficile mais libre plutôt que de servir le gouvernement royal :

 

En 1911, éclate la révolution chinoise qui abat la dynastie impériale, crée une république et agite beaucoup les milieux d’origine chinoise, des membres de Kuomintang venant prêcher la bonne parole non seulement à Bangkok mais à Ayuthaya au marché de Hua Ro.

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Par ailleurs en 1912 éclate la « révolte du palais » (กบฏประชาธิปไตย), « des patriotes courageux qui voulaient mettre fin au régime de monarchie absolue et qui furent trahis » nous dit Pridi (11).
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En 1917, il est admis étudiant à l’école de droit du ministère de la justice et apprend le français à l’association des avocats sous la direction de E. Ladeker, conseiller à la cour des causes étrangères. Il est admis à son diplôme d’avocat mais, trop jeune, il doit attendre l’année suivante pour exercer. Comme étudiant, et probablement pour financer ses études, il est en 1917 – 1918, clerc dans le bureau juridique de Phra Wichitmontri (Sut Khunthonchida), premier juge du monthon de Chumpon et vice-président du département de la justice militaire et en 1919 – 1920, deuxième clerc dans le département des affaires pénitentiaires et il est autorisé à intervenir parfois en qualité de conseiller.

 

En août 1920, c’est un tournant dans sa vie, il bénéficie d’une bourse du ministère de la justice pour venir étudier le droit en France. Il étudie d’abord le français et la culture générale au lycée de Caen. Il décroche le diplôme de bachelier en droit puis la licence à la faculté de Caen.

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De là, nous le retrouvons à Paris à la faculté de droit, incontestablement plus prestigieuse que celle de Caen, où il décroche un diplôme d’études supérieures en économie politique et un doctorat en droit « es sciences juridiques » en soutenant une thèse sur le très austère sujet « Du sort des sociétés de personnes en cas de décès d’un associé -  Etude de droit français et de droit comparé ») (12). En ce qui concerne l’économie politique, il a suivi les cours du professeur Auguste Deschamps qui enseigne « l’économie politique et l’histoire des doctrines économiques », très marqué par le socialisme utopique du XIXème en particulier Fourier et le proudhonisme…aux antipodes du marxisme.

 

A Paris, il anime comme président l’ « Association des étudiants siamois en France ». Cette association avait été créée en 1923 sous le nom de Samakyanukhrosamakhom (สามัคยานุเคราะห์สมาคม littéralement en français Association Siamoise d’Intellectualité et d’Assistance Mutuelle ou S.I.A.M.). Le Prince Prajadhipok, le futur Roi Rama VII, fut invité à la présider comme Premier Président Honoraire et leur rend visite en 1924. Pridi pose fièrement sur la photographie souvenir derrière le monarque (13).

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C’est par ailleurs au sein de de cette association de bienfaisance que se crée le groupe qui se baptise « parti du peuple » au terme de plusieurs jours de discussions en février 1927 dans une salle d’un immeuble du 9 de la rue du Sommerard, proche de la Sorbonne, actuellement hôtel de luxe.

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Ils sont sept, trois militaires, deux anciens combattants de la grande guerre et deux civils qui font bon ménage avec les galonnés :

 

Le Lieutenant Prayun Phamonmontri (ประยูร ภมรมนตรี) officier de réserve et commandant les gardes du corps de Rama VI, Phibun qui est à l’époque à l’école d’artillerie de Fontainebleau, le sous-lieutenant Thatsanai Mitphakdi (ทัศนัย มิตรภักดี), officier de réserve et étudiant à l’ école de cavalerie, assurément la plus distinguée de toutes les écoles militaires françaises, Nai Tua Laphanukrom, (ตั้ว ลพานุกรม), étudiant en sciences en Suisse et ancien volontaire de la guerre de 14, Charun Singhaseni alias Luang Siriatcha (จรูญ สิงหเสนี - หลวงสิริราช), employé à l’ambassade et ancien volontaire de la guerre de 1914 ; Nai Naep Phahonyothin (แนบ พหลโยธิน) étudiant en Angleterre et neveu de Phraya Phahon Phonphayuhasena (พระยาพหลพลพยุหเสนา)

.

C’est Pridi qui préside et qui est désigné comme président du futur parti. Le programme en sept points est clair, dont on se demande s’il constituait un ordre de priorité :

 

• suppression du pouvoir absolu,

• maintien de l’indépendance du pays sous toutes ses formes,

• maintien de la sécurité intérieure et abaissement de la criminalité,

• amélioration du bien-être du peuple,

• égalité des droits pour tous,

• assurer la liberté dans la mesure où elle n’est pas contraire aux points ci-dessus

• et fournir enfin une éducation au peuple.

211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI
Le 2 avril 1927, après sept ans passés en France, c’est le retour au Siam. Il travaille pour le ministère de la Justice où il monte rapidement en grade et est honoré du titre royal de Luang Praditmanutham (หลวง ประดิษฐ์ มนู ธรรม)... « Luang », rappelons-le est un titre de noblesse attribué aux fonctionnaires méritants comportant des attributions honorifiques… et quelques avantages annexes : une sakdina de 800 à 3.000 raï (128 - 480 hectares). Mais « la révolution est en marche » et cinq ans plus tard, il entre de plein pied dans la vie publique.

 

Le pouvoir au peuple :

 

L’expression revient souvent sous sa plume. Le premier article de la constitution provisoire de juin 1932 affirme de façon solennelle la reconnaissance de la souveraineté du peuple et non plus celle du monarque. Pridi n’est pas un « homme du peuple », il se garde de s’en flatter, il a été élevé dans un milieu privilégié par la culture et les souvenirs des fastes passés de ses aïeux, il s’y étend même parfois avec une certaine complaisance mais il est difficile d’en faire l’ « ami du peuple » au sens du moins où l’entendait Marat, son amour du peuple semble parfois empreint d’un certain paternalisme ?

211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI

Les premières élections ne donnèrent pas le beau rôle au peuple : Nous savons que la constitution de décembre 1932 a été suivie d’élections le 15 novembre de l’année suivante – selon une loi électorale dont il est le rédacteur - dans une assemblée nationale dont la moitié des membres n’étaient pas élus (15). 1.773.532 électeurs se sont présentés aux urnes, 41.50 % des 2.339.963 titulaires du droit de vote. Hommes ou femmes, majeurs,  – les femmes ont le droit de vote – mais ils ont tous du justifier qu’ils savaient lire et écrire car il est tout de même normal que le choix des destinées d’un pays soit effectué par des citoyens ayant un minimum incompressible d’éducation… singulière conception de la démocratie; on ne veut pas d’analphabètes bien que le peuple le soit probablement à plus de 50 %. Dans chaque arrondissement nos électeurs (lettrés) ont élu leurs délégués qui se sont ensuite rendu au chef-lieu des 70 provinces pour élire leurs représentants, un par province et deux si la population dépasse 150.000 habitants. Car le suffrage est universel, certes, mais à deux degrés. Nos délégués ou « grands électeurs » seront 5.036 pour élire leurs 78 représentants. Il y a pléthore de candidats mais ils sont tous « indépendants », pas d’étiquette de parti politique, c’est interdit,  ou de comité électoraux et nul ne semble le regretter. Les Siamois sont alors néanmoins très fiers d’avoir accordé le droit de vote aux femmes (celles qui savent lire et écrire), mais combien étaient-elles ? (16).

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La question de la « capacité des femmes » (17) s’est également posée lors de l’abdication de Rama VII, et de la nécessité de pourvoir à la succession, question que tous les membres du cabinet confièrent la tâche de résoudre  à leur deux juristes, Pridi et Yen Itsarasena (เย็น อิศรเสนา): tenant compte à la fois des Chroniques royales que Pridi détaille longuement et de la loi successorale de 1924 (18), le cabinet délibéra du 2 au 7 mars 1935 pour savoir lequel des membres de la dynastie Chakri serait apte à lui succéder. Beaucoup de casuistique dans cette interprétation de la loi de 1924 ! C’est singulièrement le rang de la mère qui va être pris en question ! La ligne Chakrabongsee (จุลจักรพงษ์) est écartée pour vice d’extranéité de l’épouse, simple infirmière ukrainienne d’extraction modeste mais pourtant anoblie par Rama V et dont on ne sait pas si elle avait acquis la nationalité siamoise ? La descendance du frère du roi Prajadhipok, Chuthathut Radilok (จุธาธุชราดิลก) est écartée unanimement pour descendre d’une femme « du commun » dont Pridi ne nous donne pas la définition. Celle du prince Boripath  (ou Paribatra บริพัตรสุขุมพันธุ์) est écartée tout aussi unanimement sous le motif parfaitement hypocrite qu’il avait été exilé par « le parti du peuple » lui-même et que ses alliances (notamment celle dont est issue l’actuel et atypique gouverneur de Bangkok) étaient « inégales ». Il ne reste plus en lice que la ligne Mahidol มหิดล, la mère du petit prince Ananda อันานท âgé de 9 ans, étant d’assez bon lignage pour avoir donné le jour à un roi ! « Le roi est mort, longue vie au roi » conclut Pridi en enterrant un peu vite Rama VII ! Nous sommes assez loin de ce vieux brocard du droit nobiliaire français exprimé un peu vulgairement « le coq anoblit la poule ». Sans frémir, le « père de la démocratie thaïe » considère qu’une femme du commun ne peut être mère d’un roi. Il n’est pas question qu’un Prince épouse une bergère.
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Dans tous ces écrits, discours, lettres ou souvenirs de Pridi, nous ne trouvons nulle part la moindre allusion à une éventuelle république, le mot n’est pas écrit. La question fut-elle envisagée par nos comploteurs qui prétendaient (sans eux-mêmes y croire) représenter le peuple ? Le caractère mystique, religieux, charismatique et sacré de la monarchie pour le peuple et probablement même pour les membres de la junte la rendait parfaitement irréaliste. Le petit Ananda fut accueilli à son arrivé à Bangkok par une foule en délire de 300.000 personnes. La suppression de l’absolutisme royal au profit d’une monarchie constitutionnelle dans laquelle le roi règne sans gouverner, et cela, tous les membres des premiers cabinets, juristes ou pas, en ont d’évidence été conscients, mieux vaut, si l’on est attaché au pouvoir, y être premier ministre, ce que Pridi fut quelques mois  (avec une chambre des représentants élue de façon oligarchique) que roi. Kukrit Pramot (คึกฤทธิ์ ปราโมช), quoique de sang royal était trop loin du trône pour pouvoir y prétendre. L’histoire de la région en a apporté par la suite une éclatante démonstration : Norodom Sihanouk,  roi du Cambodge de 1941 à 1955 par résignation de son père, abdiqua à cette date … en faveur de son père probablement atteint – mesurons nos mots – « par la limite d’âge » pour devenir premier ministre avec quasiment les pleins pouvoirs que la couronne ne lui conférait pas. 

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Un petit roi de 9 ans poursuivant ses études à Lausanne était effectivement, pendant au moins 12 ans, jusqu’à sa majorité, moins encombrant pour un premier ministre ambitieux.

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Nationaliste ? Patriote ? Anti colonialisme ?

 

Le second point du programme concocté à Paris est  le « maintien de l’indépendance du pays sous toutes ses formes ». Dans le programme du parti du peuple du 24 juin 1932, il passe au premier rang avec plus de précisions « maintien de l’indépendance nationale sous toutes ses formes, politiques, judiciaires et économiques ». Le message est clair. On lit trop souvent, beaucoup trop souvent, que « le Siam est le seul pays d’Asie-du-sud-est à n’avoir jamais été colonisé » (19). Telle n’est pas la position du groupe des sept. Pridi fait souvent allusion à cette colonisation insidieuse de la France et de l’Angleterre qui a conduit à des « concessions territoriales » de territoires que les Siamois cultivés considéraient comme siamois, provinces Shan de Birmanie, sultanats de Malaisie, perte du Cambodge, de toute la rive gauche du Mékong et d’une province de la rive droite, prétentions de la France sur la bande de 25 kilomètres le long de la rive droite et aussi pertes de pans entiers de souveraineté par la création des privilèges judiciaires et fiscaux au profit des étrangers et de leurs « protégés » échappant à la justice, à l’impôt et au service militaire.

« Nationaliste », il l’était probablement au bon sens du terme, patriote en tous cas. Nous ne le voyons pas protester – il ne manifeste d’ailleurs guère de sentiments francophiles – lorsque, profitant de l’écrasement militaire de la France en 1940, Phibul engage les hostilités contre la France dans le seul but de récupérer les territoires Laos et Cambodgiens cédés sous la contrainte en 1893. Nous ne le voyons pas non plus protester lorsque, par le traité de Tokyo de mai 1941 aux termes duquel le Siam et la France considéraient les frontières entre le Siam et l’Indochine comme définitivement établies dans une situation équivalente – mutatis mutandis – à celle d’avant 1893. Nous n’avons pas lu non plus de protestations indignées lorsque, en 1941, des catholiques siamois de la province de Mukdahan furent massacrés au prétexte qu’ils étaient des collaborateurs pro-français ou que le consulat de Chiangmaï et les précieuses archives du consul Camille Notton furent incendiés.

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Il est premier ministre de mars à août 1946 guère avant la signature, le 17 novembre 1946 de l’ « accord de règlement franco-siamois » à Washington (20) Sans régler définitivement la question frontalières, l’accord renvoie le dossier à l’étude d’une commission pluripartite à laquelle le gouvernement de Pridi avait probablement donné ses instructions. Les délégués siamois eurent le courageen ce qui concerne les territoires de la rive gauche du Mékong de les revendiquer (compris le Laos encore français, ce que Phibun n’avait jamais osé demander) au vu d’arguments d’unité ethnique et géographique, arguments que la Commission balaya d’un trait de plume au motif essentiel que ce serait amputer l’Indochine française d’un tiers de son territoire. De même en ce qui concerne les territoires de la rive droite du Mékong enclavé dans le territoire siamois, l’analogie de langage, d’origine et de culture des habitants de chaque côté de la frontière actuelle ne suffisent pas, en eux-mêmes, à justifier une modification de cette frontière en faveur du Siam répondit la Commission. Et ce qui concerne le territoire de Bassac (Champasak) situé à l’ouest du Mékong et au nord de la rivière Se Lam Pao, n’épiloguons pas, même revendication siamoise, même réponse.
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La crainte des puissances coloniales était si vive qu’en 1927, lors de l’élaboration de leur programme à Paris, bien avant le coup d’état, le groupe des sept avait insisté sur la nécessité de mettre les puissances coloniales (France et Angleterre) devant le fait accompli par « une saisie rapide du pouvoir » de peur de leur intervention militaire ! Tous les putschistes enfin, étaient de la génération de Nehru, né en 1889, Soekarno, né en 1901 qui obtient l’indépendance de l’Indonésie en collaborant avec le Japon, Ho Chi Minh, né en 1890 qui libéra de l’Indochine française de la colonisation avec l’aide active des Soviétiques et de la Chine communiste, Aung San, né en 1915, libérateur de la Birmanie du joug anglais et ouvertement communiste puisque fondateur du parti communiste de Birmanie. Tous ont « libéré » leur pays par des chemins divers après la guerre mais par la lutte armée. En 1932, le risque d’une intervention armée française n’était pas une hypothèse d’école. A longueur de colonnes, « le Figaro » invoque la nécessité pour le gouvernement d’être vigilant en faisant fait état du risque de contagion d’un régime « bolchévisant » vers la proche Indochine (21).
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C’est probablement aussi par un sentiment tout aussi patriotique et anti colonialiste que Pridi, probablement plus lucide que Phibun, a fait le choix d’entrer en résistance contre le Japon, conscient de ce que la colonisation japonaise en Chine, en Corée et en Mandchourie avait eu d’ignoble.

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Communiste ?

 

Pridi a été blanchi de l’accusation de communisme lancée il est vrai à une époque où ce seul mot suffisait à ruiner une carrière politique ! Dans le programme de 1927, deux points concernent l’économie et restent dans le flou artistique : l’ « amélioration du bien-être du peuple », et l’ « égalité des droits pour tous », nous n’y voyons aucune trace de bolchévisme.

 

Le programme de son premier gouvernement selon son discours à la chambre du 25 mars 1946, est, en ce qui concerne le domaine économique, du « tout pour l’agriculture ». Celui de son second cabinet, le 13 juin 1946, reprend les mêmes déclarations d’intention (22).  

 

Nous retrouvons évidemment les traces de l’enseignement du professeur Auguste Deschamps dont nous avons dit qu’il était très marqué par le socialisme utopique du XIXème en particulier Fourier et le proudhonisme… Quant au système coopératif préconisé avec chaleur par Pridi, il est aux antipodes du marxisme selon Marx et Engels qui y ont toujours été hostiles. Le modèle de l’Union soviétique, que ce soit en 1927 ou dans les planifications ultérieures à partir de 1928 démontra un échec retentissant.

 

Les grandes lignes du programme économique élaboré par Pridi en 1933 (« Outline economic plan ») insistent à longueur de pages sur la nécessité d’établir un  système coopératif, de respecter la propriété individuelle pour permettre à tous de bénéficier du profit de leur travail en respectant la libre entreprise et la propriété privée, de créer un système de couverture sociale pour la santé, d’encadrer les prêts d’argent et de lutter contre les « parasites sociaux », ou « parasites sociaux par la naissance » le mot revient souvent (23). Il cite enfin à plusieurs reprises aussi Friedricht List, un économiste allemand, qui préconise un système économique assez fuligineux mais qui fut en tous cas critiqué avec virulence par Marx (24).

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N’oublions pas l’ « amour de la nation et la nécessité de développer l’enseignement du peuple ».

 

N’oublions pas non plus que si la famille de Pridi dans ses deux branches a des ascendances flatteuses, que si la famille de son père a été riche, qu’il a été élevé dans une atmosphère de culture (musique, poésie), elle a connu la ruine, la rapacité des prêteurs d’argent susceptibles de mettre les débiteurs en esclavage, celles des propriétaires fonciers, celle des sociétés en charge de l’irrigation et des sociétés commerciales nées de la modernisation du pays dont les prébendes tombent dans l’escarcelle des princes de la famille royale... Société pyramidale organisée selon le système de la sakdina : en haut le roi qui avait le pouvoir suprême, au-dessous les princes et les mandarins, ensuite les hommes libres corvéables, enfin les esclaves qui étaient au niveau le plus bas. C’est le roi qui accordait des terrains à ses sujets. Mais ces terrains ne leur appartenaient pas : ils en avaient l’usage mais pas la propriété. Le roi était le seul propriétaire de tous les terrains du royaume.

 

Pridi a participé au travail des champs et connu les aléas de la sécheresse, des inondations, les ravages des animaux sauvages et les vols des outils de travail puis la nécessité de travailler pour payer ses études avant de bénéficier d’une bourse royale Il a connu la peine des paysans, plus de 90 pour cent de la population à cette époque, il a souhaité y apporter remède, ce n’est pas le critère d’un bon bolchévik (25).

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Un pieux bouddhiste ?

 

Pridi a été élevé dans le bouddhisme, dans une famille de pieux bouddhistes. Son père, c’est exceptionnel, connaît le pali, la langue sacrée du bouddhisme dans laquelle on prie. Il a fait ses études primaires et secondaires dans les temples, il n’y en avait d’ailleurs pas d’autres. Dans un discours prononcé à l’occasion du deuxième anniversaire du coup d’état, en 1934, il affirme que ses actions ont toujours été guidées par les « principes du bouddhisme ». Il s’agit d’ailleurs là d’une raison supplémentaire pour lui dénier la qualité de communiste pour lequel, comme chacun sait « la religion est l’opium du peuple » (26). 

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Les deux premières constitutions de 1936 dont il fut le rédacteur (et les suivantes jusqu’à ce jour) prévoient que le souverain doit professer la foi bouddhiste (27). Expression de ses convictions personnelles ou (et ?) hommage rendu à la croyance immémoriale d’une population dans son immense majorité bouddhiste à l'incarnation d'une divinité brahmanique en la personne du Roi ?

 

Nous nous sommes posé la question de savoir si les sept années passées à Paris ne l’avaient pas conduit à prendre un certain recul ?

 

Deux éléments nous conduisent à poser une question sur une éventuelle initiation maçonnique, mais poser une question  n’est pas y répondre :

 

Pridi a été à la Faculté de droit de Paris, contemporain de Duong Van Giao qui a été « initié » en France en 1924 à Paris à la loge Jean Jaurès appartenant à la « Grande Loge de France ». Avocat, il fut radié du barreau en 1936, il quitte Saigon pour Bangkok et devient conseiller de Pridi. Celui-ci lui servira ultérieurement de conseiller après le coup de force japonais de mars 1945 et l’affirmation de l’indépendance du Vietnam (28). Solidarité entre « frères » ou simple amitié de Faculté ?

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Il est par ailleurs mort en exil à Paris le 2 mai 1983. Il a été conformément à sa foi bouddhiste incinéré au crématorium du Père Lachaise et ses cendres sont retournées dans son pays natal. Son éloge funèbre a été alors prononcé par Bruno Baron-Renaultun éminent économiste alors Président de Ia Commission des affaires étrangères du Mouvement des Radicaux de Gauche, (29), mouvement qui est ouvertement une officine du Grand Orient de France.

 

Nous n’entrerons pas dans des discussions byzantines et d’ailleurs sans le moindre intérêt sur la compatibilité entre la maçonnerie et le bouddhisme. Si Pridi a été « initié », ce n’est qu’une hypothèse, il lui était difficile de s’en vanter puisque la constitution qu’il avait lui-même rédigé interdit purement et simplement les sociétés secrètes, ce qui visait les triades chinoises était également applicable à la franc-maçonnerie.

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Sa vie privée :

 

C’est un sujet sur lequel Pridi ne s’attarde guère, il est comme tous les Thaïs assez pudique.

 

Nous ignorons tous de ses frères et sœurs. Son épouse, nous l’avons vu, est sa lointaine cousine, Pounsuk Banomyong (พูนศุข พนมยงค์) de la famille Na Pombejra (ณ ป้อมเพชร). Elle est née le 2 janvier 1913 à Samutprakan (สมุทรปราการ) la cinquième d’une phratrie de douze enfants. Son père est un haut fonctionnaire qui lui fit faire ses études en collège catholique Saint-Joseph à Bangkok. 

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Le mariage est célébré le ? 1929. Elle se réfugie chez ses parents lors du coup d’état. Elle sera brièvement incarcérée avec un de leur fils en 1952. Après sa libération, diverses péripéties et des difficultés financières qui la conduisirent à reprendre le négoce des bonbons de ses ancêtres, elle put rejoindre son mari dans son exil puis en France dans leur petite maison de banlieue à Anthony. Après la mort de son mari, elle put retourner en Thaïlande en 1986 où elle mourut fort âgée à l’hôpital Chulaongkorn le 12 mai 2007.  Elle déclarera à un journaliste avant sa mort, se rappelant le passé, qu’elle avait vécu avec son mari une vie de sacrifice et d'abnégation avec pour seul souci le bien-être du peuple en dehors de toute corruption (30). Les photographies donnent l’image d’un vieux couple heureux, des Philémon et Baucis Siamois.

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Le couple, avons-nous vu sur l’arbre généalogique ci-dessus, eut six enfants.
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L’un d’entre eux, Pan (et non Parl นาย ปาล พนมยงค์), l’aîné de leurs fils, est né le 12 décembre 1931 et mort  le  9 Septembre 1951. Il fit ses études de droit en France après un passage temporaire au temple après des études secondaires à l’école Saint-Gabriel. Il fuit le pays en 1947 après un bref passage au ministère des affaires étrangères. De retour en Thaïlande, il fut arrêté avec sa mère. Si celle-ci ne fit que 84 jours de détention, le procureur ayant renoncé aux poursuites contre elle, il fut condamné à une peine de 13 ans et 4 mois d'emprisonnement sous l’accusation de trahison mais fut amnistié en 1957. Il se lance alors dans la profession d’avocat. Lors des événements du 6 octobre 1976, le massacre à l’université de Thammasat, il prend la fuite et rejoint ses parents en France. De retour en Thaïlande lorsque le calme fut revenu, il décède d’un cancer le 9 septembre 1981 à l'âge de 49 ans et 9 mois. Sa mère avait pu revenir à son chevet.  

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Un autre garçon, Sukprida (ศุขปรีดา พนมยงค์) né le 5 septembre 1935 et mort le 29 octobre 2010 fut un spécialiste de l'histoire politique s’intéressant en particulier à la lutte du Vietnam et du Laos pour « la liberté ». Il termina sa carrière comme consultant à l' « Electricity Company Limited » jusqu’à sa mort. Il passe pour avoir mené « une vie joyeuse ». Tous deux ont une descendance qui perpétue la lignée de leur grand-père (30).

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Ne citons pour conclure que ces quelques lignes extraites de son éloge funèbre :

 

…Si nous avons été nombreux à dire un dernier adieu à Pridi BANOMYONG, c'est encore - et sans doute surtout - parce que celui-ci a su rester, jusqu'à Ia fin, le symbole de Ia lutte qui se poursuit en Thaïlande pour une société plus juste. Au pouvoir à Bangkok, en exil à Pékin, puis à Paris, Pridi BANOMYONG plaida toujours pour un socialisme humaniste, ce qui lui a valu haines et rancœurs, tant du côté des militants communistes - qui lui reprochaient souvent sa modération - que de la part des conservateurs, hostiles à toute réforme…

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NOTES

 

(1) http://www.pridi-phoonsuk.org/pridi-by-pridi/  site de « The Pridi Banomyong fondation » et « Pridi by Pridi, selected writings on life, politics and economy » Silkworm books, 2000, ISBN 974 7551 35 7. Les traductions sont de Chris Baker et Madame Pasuk Phongpaichit, professeur d’économie à L’université Chulalongkorn.
 
(2) En France, les nourrices royales étaient traitées fastueusement et le plus souvent anoblies, Phra Phetracha (พระเพทราชา), fondateur de la dernière dynastie d’Ayuthaya, était si l’on en croit La Loubère, frère de lait du roi Naraï et remplissait à la cour les fonctions prestigieuses de chef de l’éléphanterie royale. Les sites thaïs consacrés au temple nous disent que Prayong aurait été la nourrice du Roi Naraï (né en 1633) et que le temple aurait été construit sous son règne.

 

(3) Nous avons longuement parlé de ce monarque et de la découverte miraculeuse de cette relique dans notre article 71 « Les huit rois du début du XVIIème  (1605-1656) ».

 

(4) Saraburi est à 40 km environ d’Ayuthaya.

 

(5) Nous n’avons pu le situer.

 

(6) Les secrets perdurèrent puisque l’épouse de Pridi, lorsqu’il fut contraint de fuir à Singapour et avant de pouvoir le rejoindre en Chine, se trouva totalement démunie et dut, pour assurer son riz quotidien vendre les bonbons qu’elle confectionnait. Les recettes de cuisine font aussi partie des traditions familiales.

 

(7) Ce nom qui est aussi un titre est actuellement porté par un ancienne épouse de Thaksin Shinawat, il y a probablement un lien de parenté ?

 

(8) Le projet de Rangsit fut le premier programme d'irrigation globale de la Thaïlande conçu pour développer la culture du riz dans les terres vierges de bassin inférieur. 1.600 kilomètres de voies d'eau devaient être creusé sur une période de vingt-cinq ans. La première a été concentrée dans la région de Rangsit à 20 kilomètres au nord-est de Bangkok; La deuxième étape devait se situer sur le côté ouest de la Chao Phraya près de Suphan Buri. Ces canaux différaient des canaux traditionnels selon un mécanisme complexe nécessitant l’intervention de la technologie occidentale et des machines que le gouvernement thaïlandais a commandé une entreprise thaïlandaise et italienne créée à cette fin, la « Siam Land, Canals and irrigation company ». C’était en réalité  conférer à des intérêts privés un monopole virtuel sur la construction des canaux et l'aménagement du territoire dans tout le royaume pour vingt-cinq ans. La société devait financer l'opération sur ses fonds propres et, en retour, se voir accordé le droit de louer les terres et vendre l’eau. En raison de multiples difficultés techniques, après que 835 kilomètres de canaux aient été creusés, le gouvernement annula le contrat.

 

(9) N’oublions pas que l’esclavage pour dette existait encore à cette époque.

 

(10) Voir notre article 169 « Rama VI crée l’état-civil Siamois. La transcription officielle de พนมยงค์ est Phanomyong mais la différence en thaï entre le P ou le PH et le B est souvent insensible à l’oreille. Respections celle choisie par Pridi, Banyomyong

 

(11) Voir notre article A 86 « Le coup d’état manqué de 1912 ». Mais n’oublions pas non plus que le désir d’abolir l’absolutisme royal n’était pas l’apanage des milieux « progressistes ». Le roi Rama V lui-même avait en 1885 chargé son cousin, ambassadeur à Paris, le prince Prisdang (ปฤษฎางค์) de mettre à l’étude du projet de réforme des institution, qu’il considérait comme nécessaire, en préparant une constitution écartant l’absolutisme royal. Voir également notre article A - 194 « Le premier projet de constitution de 1885 ».

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(12) Récompensée d’une mention « très bien » cette thèse a été publiée le 16 février 1927 à Paris, par la « librairie de jurisprudence ancienne et moderne - L. Chauny et L. Quinsac ». C’est une thèse de « doctorat d’état » (héritier du doctorat institué par Napoléon, qui conférait le plus haut grade universitaire) et non de « doctorat de troisième cycle » alors accordé plus facilement aux étudiants étrangers. Il se flatte d’être le premier Thaï à avoir accédé à ce grade prestigieux. Sur cette photographie que l'on trouve partout, il porte fièrement une robe d'avocat français aux trois rangs d'hermine, "privilège" des docteurs en droit et non une robe d'avocat siamois !
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(13) Elle fonctionna jusqu’après la révolution siamoise de 1932. Elle changea ensuite son nom en « Association des Etudiants Thaïlandais en France » sous patronage royal en 1936. Ses activités seront suspendues pendant la Seconde guerre mondiale. Cette société existe toujours mais n’a pas d’archives antérieures à 1949.

 

(14) « Réinventer le Siam : Idées et culture en Thaïlande 1920 – 1944 ».

 

(15) Voir notre article A 182 « Une Journée d’élections peu ordinaire ! »

 

(16 ) Citons une liste qui est loin d’être limitative dans dates auxquelles les femmes ont été admises à voter dans différents pays après ou bien après le Siam : 1938 : Roumanie et Bulgarie1939 : Salvador1940 : élections provinciales à Québec1942 : République dominicaine1944 : France1945 : Yougoslavie1945 : Italie1945 : Japon1946 : Espagne  (pour les femmes mariées seulement), 1947 : Argentine, et Venezuela1948 : Belgique (en 1920 pour les élections communales), 1952 : Liban (réservé aux femmes titulaires d'un certificat d'études primaires jusqu'en 1957… un peu comme au Siam), GrèceBolivie et Inde1953 : Mexique1954 : ColombiePakistan et Syrie1955 : Pérou et Égypte1957 : Tunisie195 8 : Algérie française1961 : Paraguay1962 : Monaco1963 : Afghanistan1974 : Portugal,1984 : Liechtenstein1984 : Afrique du Sud (pour les femmes métisses), 1994 : Afrique du Sud (pour les femmes noires)…etc  pour l'Arabie, 2015...

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(17) Rappelons tout de même que Pridi a fait de brillantes études juridiques en France et qu’il y a appris qu’à cette date, la femme mariée était juridiquement incapable (sous-entendu d’accomplir la plupart des actes juridiques) les termes de l’ancien article 1124 du code civil étant suaves «  Les incapables de contracter sont les mineurs, les interdits, les femmes mariées dans les cas exprimés par la loi … ». Cette disposition n’a été abrogée que le 18 février 1938. Lorsque les étudiants en droit savaient  faire la fête, le 18 février était considéré comme journée de deuil mais ces traditions se perdent.

 

(18)  Voir notre article 175 « La loi du palais pour la succession royale en 1924 »

 

(19) Voir en particulier nos articles A 38 « La Thaïlande n'a jamais été colonisée ? Vous en êtes sûr ? » et 177 « Le Siam de Rama VI retrouve tous ses droits souverains en 1925 ».

 

(20) Voir nos deux articles 204 « LA QUESTION DES FRONTIÉRES DE LA THAILANDE AVEC L’INDOCHINE FRANÇAISE » et 205 « LA QUESTION DES FRONTIÉRES DE LA THAILANDE AVEC L’INDOCHINE FRANÇAISE (Suite) ».

 

(21) Par exemple dans le numéro du 30 juillet 1933 dans un article particulièrement virulent signé du Dr A. Legendre ( ?).

 

(22) «  ….Le gouvernement doit accorder une attention particulière à l'agriculture, par exemple, établir et soutenir les coopératives agricoles, développer une classe moyenne agricole, soutenir les quatre cultures essentielles, le riz, le soja, le coton et le tabac, promouvoir la plantation de riz se souche sélectionnées, sélectionné souche, favoriser les races animales indigènes,  réduire les importations, continuer la construction de projets d'irrigation existantset concevoir des systèmes d'irrigation pour les agriculteurs dans toutes les régions….  Le gouvernement interdit du tuer les buffles, qui sont des outils importants pour les agriculteurs thaïlandais…. Le gouvernement doit fournir des plants de riz sélectionnés aux agriculteurs pauvres, à temps pour la prochaine campagne de semis… Le gouvernement doit fournir l'assistance vétérinaire pour empêcher l'éclosion des maladies qui, pour l’instant prévalent dans les provinces centrales….Réparer et faire revivre les systèmes de transport et accélérer les importations nécessaires à ces projets…. Lutter contre le prix élevé des produits de consommation…Augmenter le nombre d'industries dirigées par des coopératives dans le secteur privé… ».

 

(23) Cette terminologie très polémique nous paraît avoir quelques analogies avec les termes utilisés à la même époque par la droite française fascisante, « la finance anonyme et vagabonde à profil de bouc ». Le président Daladier pour sa part, même farine, préférait parler des « deux cents familles maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française ».

211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI

(24) Il le baptise « protectionnisme éducateur » avec pour objectif de protéger sur le moyen terme le marché national afin de permettre sur le long terme un libre-échange qui ne soit pas à sens unique. Son but est l'éducation industrielle d'une nation. Sa théorie concerne donc particulièrement les pays en voie de développement. C’est évidemment ce qui a intéressé Pridi : Les pays de la zone tempérés sont propres au développement de l'industrie manufacturière. Les pays de la zone torride ont un monopole naturel à la production de matières premières. Il doit donc y avoir une division du travail spontanée et une coopération des forces productives entre ces deux groupes de pays.

 

(25) Nous qualifierions plus volontiers, au XXIème siècle ce système de « populiste ». Il y aurait probablement des comparaisons à faire avec le programme dit « populiste » des « rouges » de Thaksin Chinawat (ทักษิณ ชินวัตร) qui portait les espoirs des paysans misérables. Nous trouvons plus curieusement quelques similitudes avec le programme des phalangistes espagnols exposé par leur fondateur, José-Antonio Primo de Rivera, en 1934, simple coïncidence de dates, dont le système de « national-syndicalisme » préconisait un système coopératif d’organisation de l’économie. Cette frange de la droite extrême espagnole fut rapidement éradiquée par Franco, tout au service des propriétaires de latifundiae, qui considérait ses positions économiques comme du dangereux bolchévisme. Il en fut de même avec le « justicialisme » de Juan Péron qui portait l’espoir des « descamisados » argentins et qui fut considéré lui aussi par les élites comme un dangereux communiste tout simplement parce qu’il préconisait une redistribution plus juste des richesses. La « peur rouge » a régné dans le monde bien avant Mac Carthy. 

211 - LA VIE « CACHEÉ » DE PRIDI …  VUE PAR PRIDI

(26) Bouddhisme et communisme n’ont jamais fait bon ménage : Les Chinois ont éradiqué le bouddhisme tibétain, les Soviétiques ont systématiquement assassiné tous les lamas bouddhistes de leur république de Mongolie, la Corée du nord « décourage » toujours la pratique religieuse.

 

(27) Article 4 de celle de décembre 1936 : « Le Roi doit professer la foi bouddhique. Il est le mainteneur de la religion ». Voir notre article 189 - 1 « LA CONSTITUTION DU 10 DECEMBRE 1932. »

 

(28) Voir à ce sujet l’article de Jacques Dalloz « Les Vietnamiens dans la franc-maçonnerie coloniale » in Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 85, n°320, 3e trimestre 1998. pp. 103-118.

 

(29) Journal de la Siam Society de 1983, pp. 262 – 263.

 

(30) Sources (en thaï) : http://prachatai.com/journal/2007/05/12679

 et http://www.pridiinstitute.com/autopage/show_page.php?h=48&s_id=15&d_id=15

Des ascendances directes ou collatérales prestigieuses :

 

Ce qu’en dit Pridi est évidemment le fruit de la tradition orale familiale. Si elle est toujours respectable, parfois embellie, il y a évidemment des limites temporelles à l'oralité et au maintien de la mémoire, surtout dans les sociétés où l’écrit est peu répandu : cette question a fait l’objet de nombreuses études pour l’Afrique (mais apparemment pas pour l’Asie ?) Certains peuples d'Afrique peuvent se souvenir d'évènements marquants remontant plusieurs siècles en arrière, même si avec le temps les détails sont oubliés, transformés ou enjolivés. Si Pridi appartient à une famille de lettrés, tous les écrits la concernant ont probablement disparu lors du sac de leur maison familiale par les Birmans.

Sur la rive nord du Klong  Muang  (คลองเมือง) à un kilomètre à l’ouest de l’ancien mur du palais (Ayuthaya อยุธยา) se trouve un temple. Les anciens nous ont transmis l’histoire de la nourrice de l’un des rois de la période d’Ayuthaya qui avait construit un temple. Cette nourrice s’appelait Prayong (ประยงค์, c’est le nom d’un arbre aux vertus médicinales, Aglaia odorata Lour). A cette époque, le choix de la mère nourricière des princes obéissait à des règles très strictes et l’on peut penser que la fonction était prestigieuse. La nourrice devint riche en tous cas puisqu’elle put construire ce temple (2).

A cette époque, le peuple d’Ayuthaya prononçait le mot qui définit la nourrice en langage royal (rachasap) พระนม, phranom, phanom, en avalant le « R » et l’écrivait phnom พนม en éludant le « A ». En outre, lorsque ces personnes utilisaient des mots à plusieurs syllabes, ils avaient tendance à supprimer la première ou la dernière, ainsi Prayong devenait volontiers Yong. La population d’Ayuthaya connaissant cette nourrice sous le nom de Phanomyong (พนมยงค์). Par conséquent le temple portait le nom de la personne qui l’avait construit, et ce nom avec cette orthographe (วัด พนมยงค์) traversa les générations. Aux environs de 1923, certains orthographièrent le nom de façon différente, lui donnant un sens différent de son sens historique. On l’appelle aujourd’hui parfois watmènomyong (วัดแม่นมยงค์ le temple de la nourrice Yong)

 

Quand notre nourrice Phrayong ou Phanomyong eut terminé la construction du temple, elle vint accomplir ses dévotions au wat Phraphuttabat  (วัดพระพุทธบาท) ainsi appelé car il contient une sainte empreinte du pied de Buddha découverte miraculeusement en 1623 par le roi Songtham (3). Ce temple a été saccagé par les Birmans et sa structure actuelle est récente. Elle se rendit ensuite au wat Phraphuttachai (พระพุทธฉาย) dans la région de Saraburi (สระบุรี) (4). Elle fit construire un chedi en hommage à Buddha au sommet d’une colline à environ 10 kilomètres au sud de la montagne de Phrachai (เขา พระฉาย สระบุรี). Les habitants appelèrent cette colline la colline Phanomyong.

 

Notre nourrice établit ensuite sa résidence au sud du Klong  Muang  face au temple qui portait son nom, Phanomyong, et sa descendance resta dans les environs. Les années s’écoulèrent et ils devinrent incapables de remonter leur généalogie sur plusieurs générations mais il y avait un lien entre eux, ils savaient tous que le temple était celui construit par leur ancêtre. Même ceux qui avaient quitté la région revenaient y accomplir les mérites.

 

Après plusieurs générations, la maison construite par Prayong était par héritage échue à un dénommé Nai Kroen (นายเกรินทร์) né à l’époque de l’invasion d’Ayuthaya par les Birmans en 1767. Son père (dont le nom est oublié) avait été à la tête d’une armée qui s’était opposée aux Birmans dans le tambon de Sikuk ศรีสุก (5). Il y perdit la vie. Quand la mère de Nai Kroen apprit la nouvelle de la mort de son époux, les envahisseurs approchaient de la ville. Elle prit Nai Kroen son fils, quelques parents et s’enfuirent dans la direction de  la rivière Pasak (แม่น้ำป่าสัก) chez des parents dans le tambon de Tha Luang (ท่าหลวง) aux environs de Saraburi. Ils pensaient être ainsi éloignés des lignes ennemies. Ils y restèrent jusqu’à ce que le roi Taksin (ตากสิน) boute les ennemis hors du pays. La mère de Nai Kroen retourna alors dans sa maison face au temple de Phanomyong. Elle avait été détruite par les Birmans comme les autres maisons et les temples. Elle construisit donc sur le terrain une maison en bambou. Elle vécut alors de la confection et de la vente de bonbons. Ils étaient délicieux et furent rapidement connus sous le nom de « les bonbons de la maison en face du temple de Phanomyong ». Ses talents et ses secrets dans la confection des bonbons passèrent à ses descendants sur plusieurs générations (6). Les familles qui vivaient aux environs du temple avant l’invasion birmane redonnèrent vie au district. La mère de Nai Kroen prospéra et fut en état de remplacer rapidement sa maison de bambou par une maison de bois. Elle prit l’initiative de recueillir des fonds auprès des voisins et parents pour construire un nouveau temple sur les fondations de l’ancien et d’inviter des moines d’autres temples à s’y installer.

 

Nai Kroen entra au temple à 20 ans, y resta dix saisons et devint abbé avant de quitter la robe. Il épousa alors Kaew (แกว), fille du chef d’orchestre du tambon de Suan Prik (สวนพริก) non loin d’Ayuthaya. Ils eurent quatre filles, Pin, Bunma, Sap et On.

 

La première, Pin épousa Nai Kok Sae Tang dont elle eut deux fils, Koet et Tua. Leurs descendants quittèrent la région, utilisèrent des noms divers mais une partie d’entre eux conserva celui de Phanomyong. Une sœur de Pin, Bunma est par ailleurs l’arrière-grand-mère de Pounsuk, l’épouse de Pridi.

 

La seconde, Bunma, épousa Phra Phithakthepthani alias Duang, assistant du gouverneur d’Ayuthaya, et leur descendance prit le nom de Na Pombejra (ณ ป้อมเพชร) sur décision du roi Vajiravudh du 2 juillet 1913, qui leur avait  ce privilège regrettant – dit-il – de ne pouvoir les autoriser à porter le nom de Na ayuthaya (ณ อยุธยา) qui est son apanage et celui des personnes de sang royal (7).

 

La troisième, Sap, épousa un Chinois dont elle eut deux fils Ruan et Phung alias Khun Prasoet, trois filles, Suk, Phuak et Chan et d’autres qui ne firent pas souche.

La quatrième, Onest ignorée des souvenirs de Pridi.

 

Nai Kok Sae Tang, arrière-grand-père paternel de Pridi, était né en 1794 dans le village de Etang, district de Thenghai dans la région de Shantou en Chine. Ses ancêtres avaient quitté le Hokkien pour s’établir à Etang près du district de Hai Huang. Nai Kok Sae Tang vint se placer sous la protection du roi du Siam en 1814. Il était le fils de Seng, lui-même fils de Heng qui serait arrivé au Siam lorsque Seng était tout petit. La mère de Heng était la propre tante de Tae Ong, le nom chinois du roi Taksin. Heng participa à la lutte de Taksin contre les Birmans. Seng envoya ensuite son fils Kok Sae Tang pour faire du commerce au Siam.

 

Que savons-nous de Heng, grand père de Kok Sae Tang ?

 

Il est venu au Siam sous le règne de Suriyamarin ou Ekkhatat (เอกทัศ สุริยาสน์อมรินทร์) le dernier roi d’Ayutthaya et s’était installé avec des parents de Taksin dans le voisinage de Khlong Suanphlu (คลองสวนพลู) dans les environs d’Ayuthaya, qui était à l’époque un quartier chinois. Lorsque les Birmans envahirent le royaume, le roi appela son peuple à défendre la cité et de nombreux chinois, y compris Heng, se placèrent dans l’armée de Taksin.

 

Nous connaissons l’histoire, les Birmans investissent le pourtour de la ville et la bombardent avec des canons de gros calibres. Taksin constate que le roi  qui ne se comportait pas « selon les dix manières d'un roi » était incapable de défendre le pays ce qui signifiait que Ayuthaya était en grand danger. Il encourage alors les Thaïs et les Chinois sous son commandement à percer les lignes birmanes et à rejoindre les populations des campagnes pour établir une « armée du peuple » capable de sauver l’indépendance de la nation thaïe.

 

Par ailleurs, la famille de Heng en Chine ne recevait pas de nouvelles de lui  depuis plusieurs années, les communications étant interrompues du fait des hostilités. Mais après que Taksin soit monté sur le trône et ait établi sa capitale à Thonburi, il autorisa la reprise du commerce avec la Chine. Par l’intermédiaire d’un capitaine de vaisseau, la mère de Heng envoya une lettre pour féliciter Taksin de sa montée sur le trône (rappelons qu’elle était sa tante) et demandant des nouvelles de son fils. Le roi lui répondit que son fils avait perdu la vie dans la défense du pays mais qu’il offrirait à sa famille d’importantes compensations financières.

 

Seng était né en Chine quelques mois avant que Heng son père ne rejoigne Ayuthaya. Sa mère considéra qu’il était alors en âge de faire le voyage pour aller servir le roi de Thonburi. Mais compte tenu du changement de dynastie au Siam, Seng préféra rester en Chine où il vécut comme paysan, il se maria et eut son fils Nai Kok. Lorsque celui-ci eut 20 ans, les efforts de ses parents pour vivre correctement s’avérèrent. Son père (avant sa mort) lui donna alors son héritage, un tamlung ตำลึง d’argent (60 grammes mais la somme était probablement considérable pour l’époque) pour aller chercher fortune au Siam. Il arriva à Bangkok, y resta peu de temps et rejoignit Ayuthaya. Il savait faire de la farine à partir de riz fermenté, à la façon des Chinois, des bonbons à la façon chinoise, les tofus, et le soja fermenté. Il utilisa donc son capital pour se livrer à ces activités. Il fit rapidement fortune. Pour étendre ses activités, il emprunta de l’argent à ses proches. Il acheta une maison flottante qu’il amarra à proximité du marché du temple de Phanomyong. Il fut capable de rembourser l’argent emprunté à ses créanciers, son statut avait changé, de petit capitaliste, il était devenu un capitaliste provincial moyen. Ainsi devenu « capitaliste moyen », il épouse Pin, fille de Nai Kroen comme nous le savons. Il apporte en guise de dot son capital et sa maison flottante. Il la transporta alors de son ancien emplacement face à la maison de son beau-père, non loin du temple Phanomyong. Lui et son épouse étendirent alors leurs activités, faisant des bonbons de style thaï et d’autres de style chinois et en créant d’autres (6). Il s’adapta à sa nouvelle situation, respectant les traditions chinoises sans entrer en conflit avec la culture et le mode de vie thaïs de son épouse. Très pieux, il pratiquait le bouddhisme thaï, devint collaborateur des moines du temple de Phanomyong mais continuait à pratiquer les cérémonies propres au bouddhisme chinois. Riche, le couple possédait des esclaves, mais en pieux bouddhistes, ils leur rendaient leur liberté en les faisant ordonner comme moine, une méthode qu’ils transmirent à leurs enfants et leurs petits-enfants tant que l’esclavage resta une institution. Nai Kok mourut très âgé avant son épouse. Celle-ci le fit incinérer selon le rite bouddhiste en enterra ses cendres près de leur maison. Elle-même mourut peu de temps après. Ils avaient deux fils, Nai Koet et Nai Tua. Le premier se maria et s’installa dans la maison de famille qu’il avait reçue en héritage. Le second se maria et s’installa à quelques centaines de mètres de là.

 

Nai Koet était né sous le second règne (1824-1851). Lorsqu’il était petit et avait appris à nager, il tomba un jour de la maison flottante dans le canal. Ses parents aidés d’autres voisins, réussirent à la tirer de l’eau. Nang Pin sa mère décida avec l’accord de Nai Kok son père de l’appeler « Bunkoet » (บุญเกิด mérite-naissance) en guise de reconnaissance mais rapidement, le nom fut abrégé en Koet.

 

Il commença à étudier le thaï avec l’abbé du temple de Phanomyong. Quand il eut vingt ans, il devint moine une saison au même temple puis retourna ensuite aider ses parents dans leurs affaires.

 

Plus tard, il épouse Khum, fille d’un commerçant du tambon de Phra Ngam (พระงาม) dans l’amphoe de Wisetchaichan (วิเศษชัยชาญ) dans la province d’Angthong  (อ่างทอง). Ils héritèrent de l’affaire de Nai Kok et Nang Pim et la firent prospérer. Ils améliorèrent encore la qualité des bonbons, trouvèrent des formules pour les tofus et la fermentation du soja à l’aide d’un professeur venu de Chine pour en enseigner les secrets à leurs enfants. Cette recette, populaire auprès de la population d’Ayuthaya fut ensuite transmise aux générations suivantes. Ils avaient un statut de capitalistes, plus encore que leurs parents et possédaient leurs propres esclaves. Nai Koet aimait la musique, un héritage venu de ses ancêtres maternels, avait constitué un orchestre à cordes et initié l’un de ses fils à la musique.

 

Il mourut à un âge avancé. Après sa crémation, Nang Khum et ses enfants construisirent un petit pavillon de style chinois derrière le mur de l’ubosot du temple de Phanomyong pour y placer ses cendres.

 

Ils eurent huit enfants, Nang Faeng, Nai Huat, Nai Chun, Nangsao Nguay, Nai Chai, Nai Ho, Nai Siang (le père de Pridi) et Nang Bunchai. Plusieurs se marièrent et quittèrent la région. Nai Huat, l’aîné des garçons, s’installa dans une maison proche de Wat Choeng Tha Wat Choeng Tha (à Ayuthaya).

 

Nai Chun s’installa près du Wat Samwihan วัดสามวิหาร à Ayuthaya et déménagea ensuite près du Wat Monthop à Ayuthaya (วัดมณฑป). Nai Chai s’installa dans la tambon de Paknam (ปากน้ำ) dans la région de Singburi (สิงห์บุรี). Nai Ho s’installa dans l’île de Loi ( ?) près du Wat Saphan Klua (วัดสะพานเกลือ dans la province de Chonburi (ชลบุรี). Nang Faeng et Nang Bunchai, les deux filles, se marièrent et leurs maris avaient apporté en dot des maisons flottantes près du temple de Phanomyong. Nangsao Nguay resta fille. Ses frères et sœurs lui laissèrent la maison familiale et elle continua les activités de ses parents.

 

Nai Siang, eut une vie plus aventureuse.

 

Les enfants mariés firent leur vie avec le capital hérité de leurs parents. Certains purent prospérer d’autre déclinèrent. En ce qui concerne l’activité de Nai Koet et Nang Khum, les enfants furent incapables de la maintenir et encore moins de la développer en raison de la concurrence.

 

Plus tard, le gouvernement installa la direction du Monthon dans le palais de  Chankasem  จัทรเกษม et toutes les administrations aux alentours. Le gouvernement créa aussi le marché de Hua Ro หัวรอ. Ces transferts étaient nécessités par l’envasement du Khlong Muang. Les environs du temple furent désertés et la vie y devint de plus en plus difficile.

 

 

 

Un père atypique, religieux, cultivé, musicien, poète, médecin et agriculteur malchanceux.

 

Nai Siang était né en 1866. Il avait étudié le thaï et le pali au temple de Salapun (วัด สาลาปูน) à Ayuthaya. Il écrivait des poèmes, jouait de la musique et était particulièrement talentueux au violon et à l’harmonica. Quand il eut vingt ans, il passa trois saisons comme moine au temple de Phanomyong. Une fois quitté la robe, il épousa Lukchan fille de Luang Phanitphatthanakon (Bek) et de Nang Phanitphatthanakon (née Lek Kitchathon). Après son mariage, plusieurs personnes lui conseillèrent de rejoindre les services gouvernementaux compte tenu de ses connaissances. Mais il préférait sa liberté. Il s’intéressa à la vaccination contre la variole auprès aux côtés du docteur Adamson (en réalité Hans Adamsen) devenu plus tard Phra Bambatsappharok. Devenu médecin, il fut chargé de la vaccination auprès des populations locales.

 

Nous le retrouvons ensuite dans les environs de Phra Phutthabat (province de Saraburi) comme exploitant forestier mais il fut frappé de malaria dont la région était infestée, dut quitter son exploitation en subissant de grandes pertes financières.

 

Le couple se rend alors dans la région de Tha Luang (ท่าหลวง) dans la province de Lopburi (ลพบุรี) pour y cultiver le riz. Mais au bout de deux ans de mauvaises récoltes, ils se retrouvèrent perclus de dettes. Une nouvelle expérience dans la région d’Utapao (อู่ตะเภา), province de Rayong (ระยอง) fut également désastreuse. Nai Siang planta encore du riz dans l’amphoe de Wang Noi (วังน้อย) à Ayuthaya mais ses récoltes furent ravagées par des éléphants sauvages. Il subit en outre trois ans de sécheresse suivie de plusieurs années d’inondations dévastatrices. Ses plans de riz furent également ravagés par la maladie et ses buffles, il en avait six furent volés, ces larcins étaient paraît-il fréquent à cette époque. Plus tard, les travaux d’irrigation furent assurés par  the « Siam Land, Canals and irrigation company » (8). Cette société privée constituée en 1899 dans le cadre des programmes d’irrigation sous l’égide du prince Rangsit (รังสิต), l’un des fils du roi Rama V avait obtenu une concession gouvernementale et construisit un canal aux environs de ses terres mais il dut lui payer une redevance et, sans ressources, il dut contracter des dettes pour s’affranchir (9) qui s’ajoutèrent à celles dont il était déjà perclus. Ils durent lutter plusieurs années contre la pauvreté jusqu’au projet gouvernemental de « South pasak irrigation project » (un nouveau projet initié en 1902) qui lui permit de se reconstituer un capital.  De capitalistes aisés, ils étaient devenus un couple de pauvres paysan criblés de dettes, vivotant et parvenant tout juste à se reconstituer un petit avoir.

 

Nai Siang avait pris une seconde épouse nommée Pui.

 

De son épouse principale, Nang Lukchan, il eut six enfants, trois garçons et trois filles, Nang Tharathonphithak (Kep), notre Pridi (né le 11 mai 1900), Nai Lui, Nang Nitithanpraphat (Chun), Nang Noeng Limpinan et Nai Thanom.

 

De sa seconde épouse, il eut un garçon, Nai Athakittikamchom, et une fille, Nang Nom Tamsakun.

 

En 1913, environ trente ans après la mort de Nai Koet et Nang Khum, fut édictée la loi sur les noms de famille, ce dont la population n’était guère soucieuse. Les noms étaient donc attribués de façon autoritaire par les autorités administratives. Quelques-uns des ancêtres de Nai Koet avaient été militaires et leur nom leur avait été attribué par leurs officiers mais ils n’avaient aucun rapport avec leurs ancêtres. Nai Koet alla alors accomplir des dévotions auprès du supérieur des moines de la province, Phra Suwanwimonsin. Il lui demanda conseil d’autant que l’un de ses élèves était responsable de l’attribution des noms dans les environs d’Ayuthaya. Le moine connaissait l’histoire des ancêtres de Nai Siang et il conseilla le choix du nom de Phanomyong (10).

 

C’est à l’école du temple de Choengtha (วัดเชิงท่า) amphoe de Tha Wasukri (ท่าวาสุกรี) près d’Ayuthaya que Pridi commença ses études à l’âge de cinq ans ans et les continua dans l’amphoe de Tha Rua (ท่าเรือ) toujours dans la région d’Ayuthaya au Wat Ruak (วัดรวก) jusqu’en 1909. Il suivit ensuite un cursus secondaire brillant dans diverses écoles de temples jusqu’à l’âge de quatorze ans. Il participe aussi souvent aux travaux des champs pour aider ses parents.

 

Deux événements surviennent alors à cette époque que sa famille considère avec une évidente sympathie et qui durent alimenter d’abondance les conversations familiales, n’oublions pas que le père de Pridi préféra mener une existence difficile mais libre plutôt que de servir le gouvernement royal :

 

En 1911, éclate la révolution chinoise qui abat la dynastie impériale, crée une république et agite beaucoup les milieux d’origine chinoise, des membres de Kuomintang venant prêcher la bonne parole non seulement à Bangkok mais à Ayuthaya au marché de Hua Ro.

 

Par ailleurs en 1912 éclate la « révolte du palais » (กบฏประชาธิปไตย), « des patriotes courageux qui voulaient mettre fin au régime de monarchie absolue et qui furent trahis » nous dit Pridi (11).

 

 

En 1917, il est admis étudiant à l’école de droit du ministère de la justice et apprend le français à l’association des avocats sous la direction de E. Ladeker, conseiller à la cour des causes étrangères. Il est admis à son diplôme d’avocat mais, trop jeune, il doit attendre l’année suivante pour exercer. Comme étudiant, et probablement pour financer ses études, il est en 1917 – 1918, clerc dans le bureau juridique de Phra Wichitmontri (Sut Khunthonchida), premier juge du monthon de Chumpon et vice-président du département de la justice militaire et en 1919 – 1920, deuxième clerc dans le département des affaires pénitentiaires et il est autorisé à intervenir parfois en qualité de conseiller.

 

 

En août 1920, c’est un tournant dans sa vie, il bénéficie d’une bourse du ministère de la justice pour venir étudier le droit en France. Il étudie d’abord le français et la culture générale au lycée de Caen. Il décroche le diplôme de bachelier en droit puis la licence à la faculté de Caen. De là, nous le retrouvons à Paris à la faculté de droit, incontestablement plus prestigieuse que celle de Caen, où il décroche un diplôme d’études supérieures en économie politique et un doctorat en droit « es sciences juridiques » en soutenant une thèse sur le très austère sujet « Du sort des sociétés de personnes en cas de décès d’un associé -  Etude de droit français et de droit comparé ») (12). En ce qui concerne l’économie politique, il a suivi les cours du professeur Auguste Deschamps qui enseigne « l’économie politique et l’histoire des doctrines économiques », très marqué par le socialisme utopique du XIXème en particulier Fourier et le proudhonisme…aux antipodes du marxisme.

 

A Paris, il anime comme président l’ « Association des étudiants siamois en France ». Cette association avait été créée en 1923 sous le nom de Samakyanukhrosamakhom (สามัคยานุเคราะห์สมาคม littéralement en français Association Siamoise d’Intellectualité et d’Assistance Mutuelle ou S.I.A.M.). Le Prince Prajadhipok, le futur Roi Rama VII, fut invité à la présider comme Premier Président Honoraire et leur rend visite en 1924. Pridi pose fièrement sur la photographie souvenir derrière le monarque (13). C’est par ailleurs au sein de de cette association de bienfaisance que se crée le groupe qui se baptise « parti du peuple » au terme de plusieurs jours de discussions en février 1927 dans une salle d’un immeuble du 9 de la rue du Sommerard, proche de la Sorbonne, actuellement hôtel de luxe.

 

Ils sont sept, trois militaires, deux anciens combattants de la grande guerre et deux civils qui font bon ménage avec les galonnés :

 

Le Lieutenant Prayun Phamonmontri (ประยูร ภมรมนตรี) officier de réserve et commandant les gardes du corps de Rama VI, Phibun qui est à l’époque à l’école d’artillerie de Fontainebleau, le sous-lieutenant Thatsanai Mitphakdi (ทัศนัย มิตรภักดี), officier de réserve et étudiant à l’ école de cavalerie, assurément la plus distinguée de toutes les écoles militaires françaises, Nai Tua Laphanukrom, (ตั้ว ลพานุกรม), étudiant en sciences en Suisse et ancien volontaire de la guerre de 14, Charun Singhaseni alias Luang Siriatcha (จรูญ สิงหเสนี - หลวงสิริราช), employé à l’ambassade et ancien volontaire de la guerre de 1914 ; Nai Naep Phahonyothin (แนบ พหลโยธิน) étudiant en Angleterre et neveu de Phraya Phahon Phonphayuhasena (พระยาพหลพลพยุหเสนา)

.

C’est Pridi qui préside et qui est désigné comme président du futur parti. Le programme en sept points est clair, dont on se demande s’il constituait un ordre de priorité :

 

• suppression du pouvoir absolu,

• maintien de l’indépendance du pays sous toutes ses formes,

• maintien de la sécurité intérieure et abaissement de la criminalité,

• amélioration du bien-être du peuple,

• égalité des droits pour tous,

• assurer la liberté dans la mesure où elle n’est pas contraire aux points ci-dessus

• et fournir enfin une éducation au peuple.

 

 

Le 2 avril 1927, après sept ans passés en France, c’est le retour au Siam. Il travaille pour le ministère de la Justice où il monte rapidement en grade et est honoré du titre royal de Luang Praditmanutham (หลวง ประดิษฐ์ มนู ธรรม)... « Luang », rappelons-le est un titre de noblesse attribué aux fonctionnaires méritants comportant des attributions honorifiques… et quelques avantages annexes : une sakdina de 800 à 3.000 raï (128 - 480 hectares). Mais « la révolution est en marche » et cinq ans plus tard, il entre de plein pied dans la vie publique.

 

Le pouvoir au peuple :

 

L’expression revient souvent sous sa plume. Le premier article de la constitution provisoire de juin 1932 affirme de façon solennelle la reconnaissance de la souveraineté du peuple et non plus celle du monarque. Pridi n’est pas un « homme du peuple », il se garde de s’en flatter, il a été élevé dans un milieu privilégié par la culture et les souvenirs des fastes passés de ses aïeux, il s’y étend même parfois avec une certaine complaisance mais il est difficile d’en faire l’ « ami du peuple » au sens du moins où l’entendait Marat, son amour du peuple semble parfois empreint d’un certain paternalisme ?Les premières élections ne donnèrent pas le beau rôle au peuple : Nous savons que la constitution de décembre 1932 a été suivie d’élections le 15 novembre de l’année suivante – selon une loi électorale dont il est le rédacteur - dans une assemblée nationale dont la moitié des membres n’étaient pas élus (15). 1.773.532 électeurs se sont présentés aux urnes, 41.50 % des 2.339.963 titulaires du droit de vote. Hommes ou femmes, majeurs,  – les femmes ont le droit de vote – mais ils ont tous du justifier qu’ils savaient lire et écrire car il est tout de même normal que le choix des destinées d’un pays soit effectué par des citoyens ayant un minimum incompressible d’éducation… singulière conception de la démocratie; on ne veut pas d’analphabètes bien que le peuple le soit probablement à plus de 50 %. Dans chaque arrondissement nos électeurs (lettrés) ont élu leurs délégués qui se sont ensuite rendu au chef-lieu des 70 provinces pour élire leurs représentants, un par province et deux si la population dépasse 150.000 habitants. Car le suffrage est universel, certes, mais à deux degrés. Nos délégués ou « grands électeurs » seront 5.036 pour élire leurs 78 représentants. Il y a pléthore de candidats mais ils sont tous « indépendants », pas d’étiquette de parti politique, c’est interdit,  ou de comité électoraux et nul ne semble le regretter. Les Siamois sont alors néanmoins très fiers d’avoir accordé le droit de vote aux femmes (celles qui savent lire et écrire), mais combien étaient-elles ? (16).

 

La question de la « capacité des femmes » (17) s’est également posée lors de l’abdication de Rama VII, et de la nécessité de pourvoir à la succession, question que tous les membres du cabinet confièrent la tâche de résoudre  à leur deux juristes, Pridi et Yen Itsarasena (เย็น อิศรเสนา): tenant compte à la fois des Chroniques royales que Pridi détaille longuement et de la loi successorale de 1924 (18), le cabinet délibéra du 2 au 7 mars 1935 pour savoir lequel des membres de la dynastie Chakri serait apte à lui succéder. Beaucoup de casuistique dans cette interprétation de la loi de 1924 ! C’est singulièrement le rang de la mère qui va être pris en question ! La ligne Chakrabongsee (จุลจักรพงษ์) est écartée pour vice d’extranéité de l’épouse, simple infirmière ukrainienne d’extraction modeste mais pourtant anoblie par Rama V et dont on ne sait pas si elle avait acquis la nationalité siamoise ? La descendance du frère du roi Prajadhipok, Chuthathut Radilok (จุธาธุชราดิลก) est écartée unanimement pour descendre d’une femme « du commun » dont Pridi ne nous donne pas la définition. Celle du prince Boripath  (ou Paribatra บริพัตรสุขุมพันธุ์) est écartée tout aussi unanimement sous le motif parfaitement hypocrite qu’il avait été exilé par « le parti du peuple » lui-même et que ses alliances (notamment celle dont est issue l’actuel et atypique gouverneur de Bangkok) étaient « inégales ». Il ne reste plus en lice que la ligne Mahidol มหิดล, la mère du petit prince Ananda อันานท âgé de 9 ans, étant d’assez bon lignage pour avoir donné le jour à un roi ! « Le roi est mort, longue vie au roi » conclut Pridi en enterrant un peu vite Rama VII ! Nous sommes assez loin de ce vieux brocard du droit nobiliaire français exprimé un peu vulgairement « le coq anoblit la poule ». Sans frémir, le « père de la démocratie thaïe » considère qu’une femme du commun ne peut être mère d’un roi. Il n’est pas question qu’un Prince épouse une bergère.

 

Dans tous ces écrits, discours, lettres ou souvenirs de Pridi, nous ne trouvons nulle part la moindre allusion à une éventuelle république, le mot n’est pas écrit. La question fut-elle envisagée par nos comploteurs qui prétendaient (sans eux-mêmes y croire) représenter le peuple ? Le caractère mystique, religieux, charismatique et sacré de la monarchie pour le peuple et probablement même pour les membres de la junte la rendait parfaitement irréaliste. Le petit Ananda fut accueilli à son arrivé à Bangkok par une foule en délire de 300.000 personnes. La suppression de l’absolutisme royal au profit d’une monarchie constitutionnelle dans laquelle le roi règne sans gouverner, et cela, tous les membres des premiers cabinets, juristes ou pas, en ont d’évidence été conscients, mieux vaut, si l’on est attaché au pouvoir, y être premier ministre, ce que Pridi fut quelques mois  (avec une chambre des représentants élue de façon oligarchique) que roi. Kukrit Pramot (คึกฤทธิ์ ปราโมช), quoique de sang royal était trop loin du trône pour pouvoir y prétendre. L’histoire de la région en a apporté par la suite une éclatante démonstration : Norodom Sihanouk,  roi du Cambodge de 1941 à 1955 par résignation de son père, abdiqua à cette date … en faveur de son père probablement atteint – mesurons nos mots – « par la limite d’âge » pour devenir premier ministre avec quasiment les pleins pouvoirs que la couronne ne lui conférait pas. Un petit roi de 9 ans poursuivant ses études à Lausanne était effectivement, pendant au moins 12 ans, jusqu’à sa majorité, moins encombrant pour un premier ministre ambitieux.

 

Nationaliste ? Patriote ? Anti colonialisme ?

 

Le second point du programme concocté à Paris est  le « maintien de l’indépendance du pays sous toutes ses formes ». Dans le programme du parti du peuple du 24 juin 1932, il passe au premier rang avec plus de précisions « maintien de l’indépendance nationale sous toutes ses formes, politiques, judiciaires et économiques ». Le message est clair. On lit trop souvent, beaucoup trop souvent, que « le Siam est le seul pays d’Asie-du-sud-est à n’avoir jamais été colonisé » (19). Telle n’est pas la position du groupe des sept. Pridi fait souvent allusion à cette colonisation insidieuse de la France et de l’Angleterre qui a conduit à des « concessions territoriales » de territoires que les Siamois cultivés considéraient comme siamois, provinces Shan de Birmanie, sultanats de Malaisie, perte du Cambodge, de toute la rive gauche du Mékong et d’une province de la rive droite, prétentions de la France sur la bande de 25 kilomètres le long de la rive droite et aussi pertes de pans entiers de souveraineté par la création des privilèges judiciaires et fiscaux au profit des étrangers et de leurs « protégés » échappant à la justice, à l’impôt et au service militaire.

 

« Nationaliste », il l’était probablement au bon sens du terme, patriote en tous cas. Nous ne le voyons pas protester – il ne manifeste d’ailleurs guère de sentiments francophiles – lorsque, profitant de l’écrasement militaire de la France en 1940, Phibul engage les hostilités contre la France dans le seul but de récupérer les territoires Laos et Cambodgiens cédés sous la contrainte en 1893. Nous ne le voyons pas non plus protester lorsque, par le traité de Tokyo de mai 1941 aux termes duquel le Siam et la France considéraient les frontières entre le Siam et l’Indochine comme définitivement établies dans une situation équivalente – mutatis mutandis – à celle d’avant 1893. Nous n’avons pas lu non plus de protestations indignées lorsque, en 1941, des catholiques siamois de la province de Mukdahan furent massacrés au prétexte qu’ils étaient des collaborateurs pro-français ou que le consulat de Chiangmaï et les précieuses archives du consul Camille Notton furent incendiés.

 

Il est premier ministre de mars à août 1946 guère avant la signature, le 17 novembre 1946 de l’ « accord de règlement franco-siamois » à Washington (20) Sans régler définitivement la question frontalières, l’accord renvoie le dossier à l’étude d’une commission pluripartite à laquelle le gouvernement de Pridi avait probablement donné ses instructions. Les délégués siamois eurent le courageen ce qui concerne les territoires de la rive gauche du Mékong de les revendiquer (compris le Laos encore français, ce que Phibun n’avait jamais osé demander) au vu d’arguments d’unité ethnique et géographique, arguments que la Commission balaya d’un trait de plume au motif essentiel que ce serait amputer l’Indochine française d’un tiers de son territoire. De même en ce qui concerne les territoires de la rive droite du Mékong enclavé dans le territoire siamois, l’analogie de langage, d’origine et de culture des habitants de chaque côté de la frontière actuelle ne suffisent pas, en eux-mêmes, à justifier une modification de cette frontière en faveur du Siam répondit la Commission. Et ce qui concerne le territoire de Bassac (Champasak) situé à l’ouest du Mékong et au nord de la rivière Se Lam Pao, n’épiloguons pas, même revendication siamoise, même réponse.

 

La crainte des puissances coloniales était si vive qu’en 1927, lors de l’élaboration de leur programme à Paris, bien avant le coup d’état, le groupe des sept avait insisté sur la nécessité de mettre les puissances coloniales (France et Angleterre) devant le fait accompli par « une saisie rapide du pouvoir » de peur de leur intervention militaire ! Tous les putschistes enfin, étaient de la génération de Nehru, né en 1889, Soekarno, né en 1901 qui obtient l’indépendance de l’Indonésie en collaborant avec le Japon, Ho Chi Minh, né en 1890 qui libéra de l’Indochine française de la colonisation avec l’aide active des Soviétiques et de la Chine communiste, Aung San, né en 1915, libérateur de la Birmanie du joug anglais et ouvertement communiste puisque fondateur du parti communiste de Birmanie. Tous ont « libéré » leur pays par des chemins divers après la guerre mais par la lutte armée. En 1932, le risque d’une intervention armée française n’était pas une hypothèse d’école. A longueur de colonnes, « le Figaro » invoque la nécessité pour le gouvernement d’être vigilant en faisant fait état du risque de contagion d’un régime « bolchévisant » vers la proche Indochine (21).

 

C’est probablement aussi par un sentiment tout aussi patriotique et anti colonialiste que Pridi, probablement plus lucide que Phibun, a fait le choix d’entrer en résistance contre le Japon, conscient de ce que la colonisation japonaise en Chine, en Corée et en Mandchourie avait eu d’ignoble.

 

Communiste ?

 

Pridi a été blanchi de l’accusation de communisme lancée il est vrai à une époque où ce seul mot suffisait à ruiner une carrière politique ! Dans le programme de 1927, deux points concernent l’économie et restent dans le flou artistique : l’ « amélioration du bien-être du peuple », et l’ « égalité des droits pour tous », nous n’y voyons aucune trace de bolchévisme.

 

Le programme de son premier gouvernement selon son discours à la chambre du 25 mars 1946, est, en ce qui concerne le domaine économique, du « tout pour l’agriculture ». Celui de son second cabinet, le 13 juin 1946, reprend les mêmes déclarations d’intention (22).  

 

Nous retrouvons évidemment les traces de l’enseignement du professeur Auguste Deschamps dont nous avons dit qu’il était très marqué par le socialisme utopique du XIXème en particulier Fourier et le proudhonisme… Quant au système coopératif préconisé avec chaleur par Pridi, il est aux antipodes du marxisme selon Marx et Engels qui y ont toujours été hostiles. Le modèle de l’Union soviétique, que ce soit en 1927 ou dans les planifications ultérieures à partir de 1928 démontra un échec retentissant.

 

Les grandes lignes du programme économique élaboré par Pridi en 1933 (« Outline economic plan ») insistent à longueur de pages sur la nécessité d’établir un  système coopératif, de respecter la propriété individuelle pour permettre à tous de bénéficier du profit de leur travail en respectant la libre entreprise et la propriété privée, de créer un système de couverture sociale pour la santé, d’encadrer les prêts d’argent et de lutter contre les « parasites sociaux », ou « parasites sociaux par la naissance » le mot revient souvent (23). Il cite enfin à plusieurs reprises aussi Friedricht List, un économiste allemand, qui préconise un système économique assez fuligineux mais qui fut en tous cas critiqué avec virulence par Marx (24).

 

N’oublions pas l’ « amour de la nation et la nécessité de développer l’enseignement du peuple ».

 

N’oublions pas non plus que si la famille de Pridi dans ses deux branches a des ascendances flatteuses, que si la famille de son père a été riche, qu’il a été élevé dans une atmosphère de culture (musique, poésie), elle a connu la ruine, la rapacité des prêteurs d’argent susceptibles de mettre les débiteurs en esclavage, celles des propriétaires fonciers, celle des sociétés en charge de l’irrigation et des sociétés commerciales nées de la modernisation du pays dont les prébendes tombent dans l’escarcelle des princes de la famille royale... Société pyramidale organisée selon le système de la sakdina : en haut le roi qui avait le pouvoir suprême, au-dessous les princes et les mandarins, ensuite les hommes libres corvéables, enfin les esclaves qui étaient au niveau le plus bas. C’est le roi qui accordait des terrains à ses sujets. Mais ces terrains ne leur appartenaient pas : ils en avaient l’usage mais pas la propriété. Le roi était le seul propriétaire de tous les terrains du royaume.

 

Pridi a participé au travail des champs et connu les aléas de la sécheresse, des inondations, les ravages des animaux sauvages et les vols des outils de travail puis la nécessité de travailler pour payer ses études avant de bénéficier d’une bourse royale Il a connu la peine des paysans, plus de 90 pour cent de la population à cette époque, il a souhaité y apporter remède, ce n’est pas le critère d’un bon bolchévik (25).

 

Un pieux bouddhiste ?

 

Pridi a été élevé dans le bouddhisme, dans une famille de pieux bouddhistes. Son père, c’est exceptionnel, connaît le pali, la langue sacrée du bouddhisme dans laquelle on prie. Il a fait ses études primaires et secondaires dans les temples, il n’y en avait d’ailleurs pas d’autres. Dans un discours prononcé à l’occasion du deuxième anniversaire du coup d’état, en 1934, il affirme que ses actions ont toujours été guidées par les « principes du bouddhisme ». Il s’agit d’ailleurs là d’une raison supplémentaire pour lui dénier la qualité de communiste pour lequel, comme chacun sait « la religion est l’opium du peuple » (26). Les deux premières constitutions de 1936 dont il fut le rédacteur (et les suivantes jusqu’à ce jour) prévoient que le souverain doit professer la foi bouddhiste (27). Expression de ses convictions personnelles ou (et ?) hommage rendu à la croyance immémoriale d’une population dans son immense majorité bouddhiste à l'incarnation d'une divinité brahmanique en la personne du Roi ?

 

Nous nous sommes posé la question de savoir si les sept années passées à Paris ne l’avaient pas conduit à prendre un certain recul ?

 

Deux éléments nous conduisent à poser une question sur une éventuelle initiation maçonnique, mais poser une question  n’est pas y répondre :

 

Pridi a été à la Faculté de droit de Paris, contemporain de Duong Van Giao qui a été « initié » en France en 1924 à Paris à la loge Jean Jaurès appartenant à la « Grande Loge de France ». Avocat, il fut radié du barreau en 1936, il quitte Saigon pour Bangkok et devient conseiller de Pridi. Celui-ci lui servira ultérieurement de conseiller après le coup de force japonais de mars 1945 et l’affirmation de l’indépendance du Vietnam (28). Solidarité entre « frères » ou simple amitié de Faculté ?

 

Il est par ailleurs mort en exil à Paris le 2 mai 1983. Il a été conformément à sa foi bouddhiste incinéré au crématorium du Père Lachaise et ses cendres sont retournées dans son pays natal. Son éloge funèbre a été alors prononcé par Bruno Baron-Renaultun éminent économiste alors Président de Ia Commission des affaires étrangères du Mouvement des Radicaux de Gauche, (29), mouvement qui est ouvertement une officine du Grand Orient de France.

 

Nous n’entrerons pas dans des discussions byzantines et d’ailleurs sans le moindre intérêt sur la compatibilité entre la maçonnerie et le bouddhisme. Si Pridi a été « initié », ce n’est qu’une hypothèse, il lui était difficile de s’en vanter puisque la constitution qu’il avait lui-même rédigé interdit purement et simplement les sociétés secrètes, ce qui visait les triades chinoises était également applicable à la franc-maçonnerie.

 

Sa vie privée :

 

C’est un sujet sur lequel Pridi ne s’attarde guère, il est comme tous les Thaïs assez pudique.

 

Nous ignorons tous de ses frères et sœurs. Son épouse, nous l’avons vu, est sa lointaine cousine, Pounsuk Banomyong (พูนศุข พนมยงค์) de la famille Na Pombejra (ณ ป้อมเพชร). Elle est née le 2 janvier 1913 à Samutprakan (สมุทรปราการ) la cinquième d’une phratrie de douze enfants. Son père est un haut fonctionnaire qui lui fit faire ses études en collège catholique Saint-Joseph à Bangkok. Le mariage est célébré le ? 1929. Elle se réfugie chez ses parents lors du coup d’état. Elle sera brièvement incarcérée avec un de leur fils en 1952. Après sa libération, diverses péripéties et des difficultés financières qui la conduisirent à reprendre le négoce des bonbons de ses ancêtres, elle put rejoindre son mari dans son exil puis en France dans leur petite maison de banlieue à Anthony. Après la mort de son mari, elle put retourner en Thaïlande en 1986 où elle mourut fort âgée à l’hôpital Chulaongkorn le 12 mai 2007.  Elle déclarera à un journaliste avant sa mort, se rappelant le passé, qu’elle avait vécu avec son mari une vie de sacrifice et d'abnégation avec pour seul souci le bien-être du peuple en dehors de toute corruption (30). Les photographies donnent l’image d’un vieux couple heureux, des Philémon et Baucis Siamois.

 

Le couple, avons-nous vu sur l’arbre généalogique ci-dessus, eut six enfants.

 

L’un d’entre eux, Pan (et non Parl นาย ปาล พนมยงค์), l’aîné de leurs fils, est né le 12 décembre 1931 et mort  le  9 Septembre 1951. Il fit ses études de droit en France après un passage temporaire au temple après des études secondaires à l’école Saint-Gabriel. Il fuit le pays en 1947 après un bref passage au ministère des affaires étrangères. De retour en Thaïlande, il fut arrêté avec sa mère. Si celle-ci ne fit que 84 jours de détention, le procureur ayant renoncé aux poursuites contre elle, il fut condamné à une peine de 13 ans et 4 mois d'emprisonnement sous l’accusation de trahison mais fut amnistié en 1957. Il se lance alors dans la profession d’avocat. Lors des événements du 6 octobre 1976, le massacre à l’université de Thammasat, il prend la fuite et rejoint ses parents en France. De retour en Thaïlande lorsque le calme fut revenu, il décède d’un cancer le 9 septembre 1981 à l'âge de 49 ans et 9 mois. Sa mère avait pu revenir à son chevet.  Un autre garçon, Sukprida (ศุขปรีดา พนมยงค์) né le 5 septembre 1935 et mort le 29 octobre 2010 fut un spécialiste de l'histoire politique s’intéressant en particulier à la lutte du Vietnam et du Laos pour « la liberté ». Il termina sa carrière comme consultant à l' « Electricity Company Limited » jusqu’à sa mort. Il passe pour avoir mené « une vie joyeuse ». Tous deux ont une descendance qui perpétue la lignée de leur grand-père (30).

 

 

Ne citons pour conclure que ces quelques lignes extraites de son éloge funèbre :

 

…Si nous avons été nombreux à dire un dernier adieu à Pridi BANOMYONG, c'est encore - et sans doute surtout - parce que celui-ci a su rester, jusqu'à Ia fin, le symbole de Ia lutte qui se poursuit en Thaïlande pour une société plus juste. Au pouvoir à Bangkok, en exil à Pékin, puis à Paris, Pridi BANOMYONG plaida toujours pour un socialisme humaniste, ce qui lui a valu haines et rancœurs, tant du côté des militants communistes - qui lui reprochaient souvent sa modération - que de la part des conservateurs, hostiles à toute réforme…

 

NOTES

 

(1) http://www.pridi-phoonsuk.org/pridi-by-pridi/  site de « The Pridi Banomyong fondation » et « Pridi by Pridi, selected writings on life, politics and economy » Silkworm books, 2000, ISBN 974 7551 35 7. Les traductions sont de Chris Baker et Madame Pasuk Phongpaichit, professeur d’économie à L’université Chulalongkorn.
 
(2) En France, les nourrices royales étaient traitées fastueusement et le plus souvent anoblies, Phra Phetracha (พระเพทราชา), fondateur de la dernière dynastie d’Ayuthaya, était si l’on en croit La Loubère, frère de lait du roi Naraï et remplissait à la cour les fonctions prestigieuses de chef de l’éléphanterie royale. Les sites thaïs consacrés au temple nous disent que Prayong aurait été la nourrice du Roi Naraï (né en 1633) et que le temple aurait été construit sous son règne.

 

(3) Nous avons longuement parlé de ce monarque et de la découverte miraculeuse de cette relique dans notre article 71 « Les huit rois du début du XVIIème  (1605-1656) ».

 

(4) Saraburi est à 40 km environ d’Ayuthaya.

 

(5) Nous n’avons pu le situer.

 

(6) Les secrets perdurèrent puisque l’épouse de Pridi, lorsqu’il fut contraint de fuir à Singapour et avant de pouvoir le rejoindre en Chine, se trouva totalement démunie et dut, pour assurer son riz quotidien vendre les bonbons qu’elle confectionnait. Les recettes de cuisine font aussi partie des traditions familiales.

 

(7) Ce nom qui est aussi un titre est actuellement porté par un ancienne épouse de Thaksin Shinawat, il y a probablement un lien de parenté ?

 

(8) Le projet de Rangsit fut le premier programme d'irrigation globale de la Thaïlande conçu pour développer la culture du riz dans les terres vierges de bassin inférieur. 1.600 kilomètres de voies d'eau devaient être creusé sur une période de vingt-cinq ans. La première a été concentrée dans la région de Rangsit à 20 kilomètres au nord-est de Bangkok; La deuxième étape devait se situer sur le côté ouest de la Chao Phraya près de Suphan Buri. Ces canaux différaient des canaux traditionnels selon un mécanisme complexe nécessitant l’intervention de la technologie occidentale et des machines que le gouvernement thaïlandais a commandé une entreprise thaïlandaise et italienne créée à cette fin, la « Siam Land, Canals and irrigation company ». C’était en réalité  conférer à des intérêts privés un monopole virtuel sur la construction des canaux et l'aménagement du territoire dans tout le royaume pour vingt-cinq ans. La société devait financer l'opération sur ses fonds propres et, en retour, se voir accordé le droit de louer les terres et vendre l’eau. En raison de multiples difficultés techniques, après que 835 kilomètres de canaux aient été creusés, le gouvernement annula le contrat.

 

(9) N’oublions pas que l’esclavage pour dette existait encore à cette époque.

 

(10) Voir notre article 169 « Rama VI crée l’état-civil Siamois. La transcription officielle de พนมยงค์ est Phanomyong mais la différence en thaï entre le P ou le PH et le B est souvent insensible à l’oreille. Respections celle choisie par Pridi, Banyomyong

 

(11) Voir notre article A 86 « Le coup d’état manqué de 1912 ». Mais n’oublions pas non plus que le désir d’abolir l’absolutisme royal n’était pas l’apanage des milieux « progressistes ». Le roi Rama V lui-même avait en 1885 chargé son cousin, ambassadeur à Paris, le prince Prisdang (ปฤษฎางค์) de mettre à l’étude du projet de réforme des institution, qu’il considérait comme nécessaire, en préparant une constitution écartant l’absolutisme royal. Voir également notre article A - 194 « Le premier projet de constitution de 1885 ».

 

(12) Récompensée d’une mention « très bien » cette thèse a été publiée le 16 février 1927 à Paris, par la « librairie de jurisprudence ancienne et moderne - L. Chauny et L. Quinsac ». C’est une thèse de « doctorat d’état » (héritier du doctorat institué par Napoléon, qui conférait le plus haut grade universitaire) et non de « doctorat de troisième cycle » alors accordé plus facilement aux étudiants étrangers. Il se flatte d’être le premier Thaï à avoir accédé à ce grade prestigieux.

 

(13) Elle fonctionna jusqu’après la révolution siamoise de 1932. Elle changea ensuite son nom en « Association des Etudiants Thaïlandais en France » sous patronage royal en 1936. Ses activités seront suspendues pendant la Seconde guerre mondiale. Cette société existe toujours mais n’a pas d’archives antérieures à 1949.

 

(14) « Réinventer le Siam : Idées et culture en Thaïlande 1920 – 1944 ».

 

(15) Voir notre article A 182 « Une Journée d’élections peu ordinaire ! »

 

(16 ) Citons une liste qui est loin d’être limitative dans dates auxquelles les femmes ont été admises à voter dans différents pays après ou bien après le Siam : 1938 : Roumanie et Bulgarie1939 : Salvador1940 : élections provinciales à Québec1942 : République dominicaine1944 : France1945 : Yougoslavie1945 : Italie1945 : Japon1946 : Espagne  (pour les femmes mariées seulement), 1947 : Argentine, et Venezuela1948 : Belgique (en 1920 pour les élections communales), 1952 : Liban (réservé aux femmes titulaires d'un certificat d'études primaires jusqu'en 1957… un peu comme au Siam), GrèceBolivie et Inde1953 : Mexique1954 : ColombiePakistan et Syrie1955 : Pérou et Égypte1957 : Tunisie195 8 : Algérie française1961 : Paraguay1962 : Monaco1963 : Afghanistan1974 : Portugal,1984 : Liechtenstein1984 : Afrique du Sud (pour les femmes métisses), 1994 : Afrique du Sud (pour les femmes noires)…etc  

(17) Rappelons tout de même que Pridi a fait de brillantes études juridiques en France et qu’il y a appris qu’à cette date, la femme mariée était juridiquement incapable (sous-entendu d’accomplir la plupart des actes juridiques) les termes de l’ancien article 1124 du code civil étant suaves «  Les incapables de contracter sont les mineurs, les interdits, les femmes mariées dans les cas exprimés par la loi … ». Cette disposition n’a été abrogée que le 18 février 1938. Lorsque les étudiants en droit savaient  faire la fête, le 18 février était considéré comme journée de deuil mais ces traditions se perdent.

(18)  Voir notre article 175 « La loi du palais pour la succession royale en 1924 »

 

(19) Voir en particulier nos articles A 38 « La Thaïlande n'a jamais été colonisée ? Vous en êtes sûr ? » et 177 « Le Siam de Rama VI retrouve tous ses droits souverains en 1925 ».

 

(20) Voir nos deux articles 204 « LA QUESTION DES FRONTIÉRES DE LA THAILANDE AVEC L’INDOCHINE FRANÇAISE » et 205 « LA QUESTION DES FRONTIÉRES DE LA THAILANDE AVEC L’INDOCHINE FRANÇAISE (Suite) ».

 

(21) Par exemple dans le numéro du 30 juillet 1933 dans un article particulièrement virulent signé du Dr A. Legendre ( ?).

 

(22) «  ….Le gouvernement doit accorder une attention particulière à l'agriculture, par exemple, établir et soutenir les coopératives agricoles, développer une classe moyenne agricole, soutenir les quatre cultures essentielles, le riz, le soja, le coton et le tabac, promouvoir la plantation de riz se souche sélectionnées, sélectionné souche, favoriser les races animales indigènes,  réduire les importations, continuer la construction de projets d'irrigation existantset concevoir des systèmes d'irrigation pour les agriculteurs dans toutes les régions….  Le gouvernement interdit du tuer les buffles, qui sont des outils importants pour les agriculteurs thaïlandais…. Le gouvernement doit fournir des plants de riz sélectionnés aux agriculteurs pauvres, à temps pour la prochaine campagne de semis… Le gouvernement doit fournir l'assistance vétérinaire pour empêcher l'éclosion des maladies qui, pour l’instant prévalent dans les provinces centrales….Réparer et faire revivre les systèmes de transport et accélérer les importations nécessaires à ces projets…. Lutter contre le prix élevé des produits de consommation…Augmenter le nombre d'industries dirigées par des coopératives dans le secteur privé… ».

 

(23) Cette terminologie très polémique nous paraît avoir quelques analogies avec les termes utilisés à la même époque par la droite française fascisante, « la finance anonyme et vagabonde à profil de bouc ». Le président Daladier pour sa part, même farine, préférait parler des « deux cents familles maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française ».

 

(24) Il le baptise « protectionnisme éducateur » avec pour objectif de protéger sur le moyen terme le marché national afin de permettre sur le long terme un libre-échange qui ne soit pas à sens unique. Son but est l'éducation industrielle d'une nation. Sa théorie concerne donc particulièrement les pays en voie de développement. C’est évidemment ce qui a intéressé Pridi : Les pays de la zone tempérés sont propres au développement de l'industrie manufacturière. Les pays de la zone torride ont un monopole naturel à la production de matières premières. Il doit donc y avoir une division du travail spontanée et une coopération des forces productives entre ces deux groupes de pays.

 

(25) Nous qualifierions plus volontiers, au XXIème siècle ce système de « populiste ». Il y aurait probablement des comparaisons à faire avec le programme dit « populiste » des « rouges » de Thaksin Chinawat (ทักษิณ ชินวัตร) qui portait les espoirs des paysans misérables. Nous trouvons plus curieusement quelques similitudes avec le programme des phalangistes espagnols exposé par leur fondateur, José-Antonio Primo de Rivera, en 1934, simple coïncidence de dates, dont le système de « national-syndicalisme » préconisait un système coopératif d’organisation de l’économie. Cette frange de la droite extrême espagnole fut rapidement éradiquée par Franco, tout au service des propriétaires de latifundiae, qui considérait ses positions économiques comme du dangereux bolchévisme. Il en fut de même avec le « justicialisme » de Juan Péron qui portait l’espoir des « descamisados » argentins et qui fut considéré lui aussi par les élites comme un dangereux communiste tout simplement parce qu’il préconisait une redistribution plus juste des richesses. La « peur rouge » a régné dans le monde bien avant Mac Carthy. 

 

(26) Bouddhisme et communisme n’ont jamais fait bon ménage : Les Chinois ont éradiqué le bouddhisme tibétain, les Soviétiques ont systématiquement assassiné tous les lamas bouddhistes de leur république de Mongolie, la Corée du nord « décourage » toujours la pratique religieuse.

 

(27) Article 4 de celle de décembre 1936 : « Le Roi doit professer la foi bouddhique. Il est le mainteneur de la religion ». Voir notre article 189 - 1 « LA CONSTITUTION DU 10 DECEMBRE 1932. »

 

(28) Voir à ce sujet l’article de Jacques Dalloz « Les Vietnamiens dans la franc-maçonnerie coloniale » in Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 85, n°320, 3e trimestre 1998. pp. 103-118.

 

(29) Journal de la Siam Society de 1983, pp. 262 – 263.

 

(30) Sources (en thaï) : http://prachatai.com/journal/2007/05/12679

 et http://www.pridiinstitute.com/autopage/show_page.php?h=48&s_id=15&d_id=15

 

 

 

 

 

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