Bernard, retraité, marié avec une femme de l'Isan, souhaite partager ses découvertes de la Thaïlande et de l'Isan à travers la Grande Histoire et ses petites histoires, culturelles, politiques,sociales ...et de l'actualité. Alain, après une collaboration amicale de 10 ans, a pris une retraite méritée.
Le 4ème gouvernement du 1er ministre Khuang Aphaiwong* de la Monarchie constitutionnelle. (1er août 1944-31 août 1945)
Phibun donnait sa démission le 1er août 1944 après avoir essuyé un refus de l’Assemblée nationale le 22 juillet 1944, d’établir un service de travail obligatoire qui lui était nécessaire pour construire une nouvelle capitale à Phetchabun, jugée plus défendable, dans une période où il souhaitait se désengager de sa collaboration avec le Japon. Les revers japonais, la démission forcée du premier ministre japonais Tojo le 18 juillet, disions-nous...
avait sans doute influé sur sa décision ainsi que le sentiment qu’il n’était plus le « guide» absolu au sein de l’armée dispersée sur différents théâtres d’opération.
Toujours est-il que le 1er août 1944, après dit-on, que Phya Phahon ait refusé la charge, l’Assemblée désigna Khuang Aphaiwong comme premier ministre, qui forma le 11ème cabinet, en mettant à l’écart les représentants de l’armée de terre (seul le vieux Phahon subsistait comme ministre sans portefeuille), alors que la marine obtenait trois postes dont celui de ministre de la défense attribué au vice-amiral Sinthu, et que Pridi, seul régent, voyait plusieurs de ses partisans accéder aux postes ministériels.
Fistié** estime que le gouvernement Aphaiwong a servi en fait de paravent aux activités pro-occidentales de Pridi aidé par le chef de la police toujours en place, le général Luang Adun. Il est sûr que le gouvernement Aphaiwong dut s’employer pour convaincre les Japonais que la nouvelle politique mise en place n’était pas dirigée contre eux, pendant que Pridi et Adun agissaient pour se faire reconnaître comme alliée du camp occidental et organisaient la résistance intérieure avec les services secrets américain et britannique, les fameux OSS (Office of Strategic Services)
et SOE (Special Operations Executive).
Un nouveau gouvernement qui avait donc écarté l’armée trop compromise avec les Japonais, mais avait conservé l’appui de la marine, et qui de nouveau remettait sur la scène politique les royalistes. La libération en octobre de 64 royalistes qui avaient été emprisonnés par Phibun en fut le signe le plus visible.
Un exercice toutefois difficile alors que 50.000 Japonais occupaient encore la Thaïlande et que la situation financière et économique était dramatique, du fait des « emprunts » et des « exportations » de riz, d’étain et de caoutchouc réclamées par l’occupant pour soutenir son effort de guerre. Cette situation devint intenable lorsqu’en septembre les Japonais réclameront un milliard de bath supplémentaire pour la période allant du 1er juillet 1945 au 1er janvier 1946. (Fistié, p.192 et note 40).
Fistié nous apprend que dès décembre 1941, le ministre des finances fut autorisé à rompre le lien entre le bath et la livre sterling ; qu’en avril 1942 il fut contraint d’établir une parité entre le bath et le yen qui déprécia considérablement la monnaie, avec des emprunts japonais qui atteignirent jusqu’à un milliard et demi de bath, de sorte que la monnaie n’avait plus que la huitième de sa valeur. (Alors qu’au début de la guerre la circulation fiduciaire était d’environ 200 millions de bath).
L’histoire de ce 4ème gouvernement du 1er ministre Khuang Aphaiwong du 1er août 1944 au 31 août 1945 sera surtout centrée sur sa volonté de se faire reconnaître comme « allié » des puissances américaines et britanniques et sur la résistance clandestine menée à l’extérieur avec les Free Thais aux Etats-Unis et en Grande Bretagne et à l’intérieur du territoire avec l’action des unités spéciales de l’OSS américaine et de la SOE britannique. (Cf. en note leurs définitions.***)
La résistance extérieure.
Nous avions déjà dit dans notre précédent article, que la résistance à la politique pro-japonaise de Phibun connue vint des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Le premier geste fut celui de Seni Pramot, alors ambassadeur de la Thaïlande à Washington, qui avait dit son désaccord à la radio le 9 décembre 1941 sur la décision de son gouvernement de collaborer avec les Japonais et avait refusé de transmettre la déclaration de guerre.
(Les Etats-Unis avaient reconnu sa légitimité et ne se considérera pas en guerre contre la Thaïlande.) Il fut à l’origine du mouvement Free Thais qui allait réunir la majorité des étudiants siamois alors en étude aux Etats-Unis. Il en fut de même en Grande-Bretagne sous la houlette de Puey Ungpakorn (1916-1999. Commandant à titre temporaire (General List) dans l'armée britannique (Force 136)), et du prince Suphat Sawat (Il avait accompagné la famille royale en exil en Angleterre en 1935, sa sœur étant la femme du roi de Thaïlande. Après une formation complémentaire à l’Académie militaire royale de Woolwich,
il avait été nommé sous-lieutenant de la General List (officier sans spécialité) le 28 décembre 1942)
(Nous reviendrons dans notre prochain article sur leur action.)
La « résistance » intérieure.
De même nous avions vu avec Charnvit Kasetsiri que Thawee Bunyaket et Khuang Aphaiwong qui avaient donné leur démission à Phibun en décembre 1941 avaient eu l’intention de résister à la politique pro-japonaise, en formant un gouvernement en exil en Chine. Il fallait pour cela qu’ils se fassent nommer président et vice-président de l’Assemblée pour être crédible auprès des Alliés avant de partir avec Pridi, le nouveau Régent et d’autres députés. Mais le refus de Phibun fit échouer ce plan.
Fistié (pp. 187) quant-à lui évoque une opposition qui chercha à s’organiser sous l’autorité de Pridi, qui fut même rallié – en secret - par Luang Adun, le chef de la police. (De fait, ils furent le plus souvent rivaux, car Adun était proche de Phibun)
Dès 1942, une mission clandestine fut envoyée en Chine mais disparut. Une autre avec Balankura atteignit les troupes de Tchang Kaï-chek
mais fut arrêté par les services secrets du général Taï-Li. Il lui laissa néanmoins envoyer un message radio à Washington qui resta sans réponse. Balankura fut maintenu au secret et mourut. Sans nouvelle, Pridi fit une nouvelle tentative avec Sanguan Tularak (connu comme fidèle de Pridi) et Deng Tilaka qui réussit cette fois-ci à prendre contact avec le colonel Kunjara (attaché militaire siamois à Washington) et un groupe de jeunes Free Thais placés sous le commandement de l’américain Nicol Smith (Pas de date, ni de lieu donnés). Celui-ci avait reçu la mission de l’O.S.S. d’évaluer la présence et l’importance de la résistance intérieure en Thaïlande. Sanguan Tularak et Deng Tilaka purent se rendre aux Etats-Unis discuter avec Seni Pramot.
Avec l’accord du nouveau gouvernement, dès septembre, Pridi et Adun avaient établi le contact par radio avec les hommes de Nicol Smith, basé à Szemao en Chine. De fait, une tentative d’infiltration eut lieu en septembre 1944. Si deux des hommes de Nicol Smith furent tués par les Japonais; quatre autres furent arrêtés pat les Thaïs et emmenés au QG de la police de Bangkok et purent établir un contact radio avec la station de Szemao en Chine.
En janvier 1945, deux officiers américains, Dick Greenlee et John Foster (qui avait vécu 17 ans en Thaïlande) venus clandestinement, rencontraient Pridi (alias Ruth) et Adun (Betty). (D’autres ?) Il s’agissait pour eux de faire oublier la politique de collaboration avec les Japonais dirigée par Phibun, et de se faire reconnaître par les Alliés. Un accord obtenu auprès du « South East Asia Command » de passer à l’attaque contre les Japonais ne pouvait que contribuer à mieux préparer l’après-guerre.
Aussi Pridi leur révéla un plan qui prévoyait une attaque siamoise contre les forces japonaises. L’armée siamoise, disait-il, pouvait aligner 10 divisions de 10.000 hommes. Il incluait la marine prête à remonter le Chao Praya et à bombarder les installations japonaises à Bangkok et l’appui du numéro 2 de la marine, l’amiral Luang Sangwon, commandant 3.000 gendarmes pour assurer la sécurité des agents américains et britanniques. (D’après Fistié)
Si le projet fut différé sine die car il nécessitait l’appui de trois divisions américaines, Greenlee put convaincre le département d’Etat de la sincérité de Pridi et d’Adun. De plus, l’offensive britannique n’était prévue qu’en novembre 1945 et les Free Thais ne pouvaient donc pas passer à l’action avant. D’ailleurs Nicol Smith, après avoir reçu ses ordres du Département d’Etat à Washington et de l’amiral Mountbatten à Ceylan fut parachuté en Thaïlande (Quand ?) pour informer Pridi de n’entreprendre aucune action contre les Japonais.
A ce stade, nous ne disposions que des informations donnés par Fistié, qui citait Nicol Smith, Blake Clark, « Into Siam, Underground Kingdom », (Bobbs-Merril, 1946) ; et Alsop et Brades, « Sub Rosa, The OSS and American espionage » (Raynal and Hitchcock,1948).
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L’accès à l’article d’ E. Bruce Reynolds intitulé “ The Opening wedge : The OSS in Thailand” in “The secrets war, The Office of strategics services in world war II”. (Edited by Georges C. Chalou, National archives and records administration, Waghinton DC, 1992.) allait nous permettre de confirmer ou non les informations de Fistié et surtout de présenter l’action de l’O.S.S américaine et d’évaluer la résistance thaïlandaise
Reynolds signale en premier lieu que s’il n’y a eu aucun grand combat sur le territoire Thaïlandais, l’action de l’Office of Stratégic Service (OSS) a été très importante la dernière année de la guerre dans ce pays.
Ensuite Reynolds remarque les divergences de points de vue entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne.
Les Américains ont de suite apprécié et reconnu la décision de l’ambassadeur siamois Seni Pramot et des dizaines de collaborateurs et d’étudiants siamois de résister aux Japonais, et les ont associés à l’action de l’OSS dès sa création, en formant les Free Thais sous le commandement de l’attaché militaire le Lt colonel Khap Khunchon (Kharb Kunjara).
Ils ont de plus considérer qu’ils n’étaient donc pas en guerre contre la Thaïlande. A l’inverse des Britanniques qui se sont sentis humiliés après leur défaites en Malaisie et en Birmanie, face au Japon avec la participation de la Thaïlande à leur côté. La conséquence fut que la résistance proclamée par le prince Suphat Sawat à Londres n’eut pas le même impact.
La seconde portait sur leur projet d’après-guerre pour l’Asie du Sud-Est et du rôle qu’ils entendaient faire jouer à la Thaïlande. Autrement dit, la Grande-Bretagne entendait bien retrouver et asseoir son Empire colonial d’avant-guerre alors que les Etats-Unis voulaient que les pays colonisés retrouvassent leur indépendance. Cette conception divergente sur l’avenir de l’Asie du Sud-Est et de la Thaïlande explique les rivalités entre les O.S.S et la S.O.E.
De fait, un contingent de 21 Free Thais, commandés par le capitaine Nicol Smith embarque en mars 1943 pour atteindre à la fin de l’été, Chunking. Alors que Phibun a tenté en vain de se rapprocher des forces chinoises du Yunnan, Pridi a réussi à se faire reconnaître comme résistant, surtout après avoir tenté de former un gouvernement en exil, en envoyant un émissaire au printemps et deux autres (Reynolds ne donne pas de nom) en septembre 1943 auprès de Nicol Smith, qui ne pourra agir à cause du chef de la police secrète de Chiang Kai-shek, Tai Li. Toutefois malgré son obstruction, en juin 1944, une opération est tentée qui voit deux hommes tués et quatre autres arrêtés par la police thaïe et incarcérés à la prison de la Criminel Investigations Division (CID) de Bangkok. La CID a également en ses murs 10 agents thaïs entrainés par les Britanniques qui ont été parachutés ou arrivés en Thaïlande par sous-marin dans les six premiers mois de 1944. (Reynolds ne donne pas plus d’informations)
La chute de Phibun à la fin de juillet 1944 et l’installation d’un nouveau régime avec le nouveau premier ministre Aphaiwong va changer la donne. Pridi fera libérer les « royalistes » et le 18 août 1944 (là, c’est précis) l’un des prisonniers thaïs réussira à prendre contact par radio avec la force britannique 136 (Une unité du SOE. Cf. en note ***). Le général Adun (reconnu par les SOS sous le nom de code Betty), chef de la police a dû ici jouer un rôle. Toutefois Pridi demanda que des agents lui soient envoyés et mis sous son contrôle, car il se méfiait du général Adun qu’il savait proche de Phibun.
Mais l’OSS fut étonné de constater qu’aucun thaï « prisonnier » de leur unité ne put prendre contact avec leur base en Chine ; ce qui les fit douter de leur efficacité, surtout que la tentative d’envoyer deux de leurs agents via un sous-marin britannique échoua. (Quand ?)
La rivalité entre les deux agences ne fut que renforcer et confirma la suspicion de l’unité du OSS (basée à Kandy, à Ceylan, auprès du quartier général de l’amiral Lord Louis Mounbatten (le SEAC)) que les Britanniques voulaient rétablir leurs colonies. Wagshinton le pensa également ; et même après des échanges de courrier diplomatique, le sentiment américain était que l’action des Britanniques en Thaïlande était plus politique que militaire. Davies du OSS déclara même que leur intention était d’incorporer la Thaïlande à l’Empire britannique. En septembre 1944, à la conférence de Quebec, le président Franklin D. Roosevelt eut à cœur de préciser qu’il n’était pas question de vouloir rétablir l’ordre colonial ancien.
L’OSS réussit néanmoins a parachuté deux hommes le 8 septembre 1944. L’un fut arrêté et l’autre put joindre Pridi, et établir le premier contact avec Smith à Szemao en Chine, le 5 octobre 1944.
Toutefois, le responsable officier du détachement 404, le Dr Dillon Ripley émettait encore des doutes sur Pridi dans un message du 17 novembre 1944 envoyé au général Donovan, chef des OSS. (Le Détachement 404 était chargé de la coordination des opérations de collecte et d'organisations clandestines de l'OSS et de la Special Operations Executive (SOE) en Extrême-Orient )
Il lui reprochait de préférer le SOE et d’avoir reçu l’autorisation des Japonais prévoyant leur défaite. Il proposait d’envoyer des agents thaïs sans prévenir Pridi. Toutefois, au dernier moment –par courtoisie- Pridi fut informé que l’OSS allait établir une base à Doi Angka, près de Chiangmaï. Malheureusement les trois agents thaïs largués dans la nuit du 1er novembre furent arrêtés. De même trois autres débarqués d’un sous – marin à Ko Kaden (mer Andaman, au sud-ouest) furent dénoncés par des pêcheurs. Il y eut des doutes au sein du OSS, mais le 14 décembre, Pridi demandait au général Donovan, aide et l’envoi d’un représentant américain. Reynolds cite d’autres avis comme celui de l’officier OSS John Wester, qui avait eu une grande expérience en Thaïlande, qui témoignait que Sanguan Tularak, connu pour être pro-américain, débarqué du sous-marin, avait réussi avant son arrestation à envoyer un message à Pridi.
Bref, de multiples avis, rapports, memorandum, bien souvent contradictoires, circulaient sur le rôle que pouvait jouer la Thaïlande, ainsi que sur les différends entre Pridi et Adun, et sur les rivalités entre l’OSS, le SOE, le Detachment 404, la Force 136 (Unité spéciale de la SOE chargé des opérations spéciales pour encadrer les maquis des territoires d’Asie occupés par les Japonais), voire les intrigues entre les Britanniques et les Chinois.
Si dès août 1944, le chef des opérations spéciales de l’OSS, le Lt Col Carl O. Hoffman, avait informé Seni Pramot, qu’il avait stocké les armes et fournitures pour 20 000 résistants thaïs, on peut constater qu’en décembre 1944, aucune opération effective armée n’avait été effectuée sur le sol thaïlandais.
Le 25 janvier 1945, Dick Greenlee et John Foster, envoyés par l’OSS peuvent rencontrer Pridi clandestinement, qui leur transmet un plan pour attaquer les Japonais avec l’aide de deux divisions américaines. (Reynolds donne peu de précisions) Le 4 février 1945, ils quittent la Thaïlande pour rendre compte à leurs supérieurs. Le Lt Gen. Sultan, le nouveau commandant des forces américaines en Inde/Birmanie ne voit pas d’intérêt dans le plan de Pridi, contrairement au nouveau chef du Detachment 404, le Col. John Coughlin, qui envoie Greenlee à Washington.
Dans la nuit du 31 mars 1945, Greenlee accompagné du capitaine Howard Palmer (a vécu son enfance en Thaïlande comme fils de missionnaire) arrivaient à Bangkok par hydravion pour retrouver Pridi. Ils obtenaient l’accord d’Adun de coopérer avec Pridi. Pendant que Palmer ait escorté le Lt McGarry ( ?) hors du pays le 21 avril et soit revenu le 23 mai pour rester seul après le départ de Greelee le 30 juin, on apprenait le désir exprimé de nouveau par Pridi de vouloir attaquer les Japonais (On l’en dissuada).
Le 20 avril 1945, le patron du OSS le général Donovan fait savoir que le plan Pridi n’était pas retenu et que la Thaïlande devait rester une zone de « Communications ».
Toutefois, le nouveau commandant du Detachment 404, le Lt Col. Booth arrive à convaincre le général Donovan, qui donne ordre à la mi-mai 1945 d’’organiser une véritable programme d’entrainement et de soutien pour une résistance intérieure afin d’augmenter l’influence américaine en Thaïlande.
Le 12 mai 1945, des agents (combien ?) Free Thais, équipés d’une radio partirent de Bangkok pour installer une base près de Sakon Nakhon.
Ils furent rejoints par un compagnon parachuté. Le 26 mai dans la nuit, trois américains furent déposés près de Petchaburi pour encadrer et entrainer des résistants. (Nombre ?) Par contre le 28, un avion anglais avec une mission importante dans la plaine centrale (où ?) était abattu. Edward Napierralski et 4 membres de l’équipage furent tués ; 9 survivants furent secourus par la police thaïe. Cinq avec un Américain et un australien échappés (d’où venaient-ils ?) furent pris par un C47 cargo et emmenés à Phukhio au nord-est le 14 juin. Les autres furent internés à Bangkok.
Il faut finalement attendre la fin de juin 1945 pour que l’action du OSS en Thaïlande devienne effective avec l’apport d’une douzaine de C47 larguant environ 75 tonnes d’armes et de matériels, et le parachutage d’un Américain formateur pour la guérilla et d’un radio thaï à Kanchanaburi dans la nuit du 25 juin.
Le plan prévoyait 214 Américains et 46 Free Thais pour entraîner 12 bataillons de guérilla de 500 hommes. La fin de la guerre le 15 août 1945 ne permit pas –bien sûr- sa mise en action.
Reynolds estime que si la Force 136 a eu des ambitions plus importantes, l’effort fut équivalent. (Ils organisèrent en fait des bases en premier lieu près de Sakhon Nakon, puis près de Loei et Khon Kaen, puis ensuite près de Sukkhotai, de Prachuap, de Nakhon Si Thammarat/Surat Thani, de Krabi, Phang Nha, Songkhla, et à l‘extrême sud en coopération avec la guérilla chinoise de Malaisie. (Développé dans l’article suivant)
Mi-juillet, Lloyd Georges, spécialiste du Detachement 404 vint avec Smith et le major Griswold en Thaïlande afin de faire le point de la situation. George et Smith purent rejoindre Palmer à Bangkok.
Mais de fait, le 21 juillet 1945, deux américains et un Thaï furent parachutés près de Klong Pai ; Le 24 et 27 juillet, sept américains et deux Thaïs à Rayong ; Le 27 juillet, trois Américains et un Thaï près de Phrae ; Le 27 juillet également trois Américains vinrent renforcer le camp de Kanchanaburi. Pendant cette période les C47 parachutèrent 100 tonnes d’approvisionnements.
Pridi était encore en train de songer à entrer dans l’action que le 15 août 1945 l’empereur Hiro Hito annonçait à la radio la reddition du Japon.
Il ne semble pas qu’auparavant, il y ait eu le moindre combat ou fait de résistance à Kanchanaburi, Sakhon Nakon, Petchaburi, Rayong, Phrae, Klong Pai, Phukhio …
Du moins Reynolds n’en dit rien et signale que le contingent OSS au Suan Kulap Palace était de 30 officiers et hommes au début septembre, et que l’on a ensuite beaucoup exagéré le nombre de vols et le nombre d’Américains rapatriés, qu’il estime à 296 Américains POWs.
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L’après-guerre.
Le 15 août 1945 l’empereur Hiro Hito avait donc annoncé la reddition du Japon.
Dès le 16 août, Pridi avec l’approbation de l’Assemblée, « proclama nulle et non avenue la déclaration de guerre de 1942 à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, et affirma que le Siam était prêt à restituer les territoires annexés en Malaisie et en Birmanie. » (Fistié, p. 194) (Remarquons que rien n’est dit sur les territoires cambodgiens repris aux Français en 1941.)
Aphaiwong donnait sa démission le 30 août. Tawi Bunyaket (Tawee Punyaketu) était nommé pour assurer l’intérim du 31 août au 17 septembre 1945,
......avant le retour M. R. Seni Pramot (ou Pramoj), le 1er résistant et chef des Free Thaïs, qui était le plus légitime pour négocier au mieux auprès des alliés et pour faire reconnaitre son pays comme une nation indépendante. Nous verrons comment il s’y emploiera du 17septembre 1945 au 31 janvier 1946.
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Mais auparavant, nous allons essayer d’en savoir davantage sur la guerre des services secrets américain (OSS) et britannique (SOE) et des Forces thaïlandaises libres, les Free Thais, durant la seconde guerre mondiale, avec le livre d’E. Bruce Reynolds intitulé « Thailand’s Secret War, OSS, SOE, and the Free Thai Underground, during World War II », (Cambridge Military Histories, Cambridge University Press, 2004).
Ce sera notre prochain article.
NOTES.
* Khuang Aphaiwong. (17 mai 1902-15 mars 1968) est le 4ème premier ministre de Thaïlande. Si, comme nous venons de le voir, il l’a été du 1er août 1944 au 31 août 1945, nous le retrouverons –de nouveau comme premier ministre du 21 janvier 1946 au 18 mars 1946, puis du 10 novembre 1947 au 6 février 1948, et encore du 21 février 1948 au 8 avril 1948. C’est dire qu’il fut un homme politique majeur ; Il sera de plus l’un des principaux fondateurs du Parti démocrate, mais de cela nous reparlerons.
**Pierre Fistié, restera notre fil rouge avec « L’évolution de la Thaïlande contemporaine », Armand Colin, 1967
*** Wikipédia.
L'Office of Strategic Services (OSS, « Bureau des services stratégiques ») était une agence de renseignement du gouvernement des États-Unis. Elle a été créée le 13 juin 1942 après l'entrée en guerre des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale pour collecter des informations et conduire des actions « clandestines » et « non ordonnées » par d'autres organes. Elle a été démantelée à la fin de l'année 1945 pour être remplacée par la CIA.
Le Special Operations Executive (SOE, « Direction des opérations spéciales ») est un service secret britannique qui opéra pendant la Seconde Guerre mondiale (créé le 19-22 juillet 1940 par Winston Churchill et dissous le 30 juin 1946), avec pour mission de soutenir les divers mouvements de résistance, au départ ceux des pays d'Europe occupés par l'Allemagne, et progressivement ceux de tous les pays en guerre, y compris en Extrême-Orient. Il eut aussi une action dans les pays faisant partie de l'Axe, et eut des sections dans les pays neutres (Espagne, Syrie, etc)
La Force 136 était une unité du SOE (« Direction des opérations spéciales ») formée par les Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale, pour encadrer les maquis dans les territoires d’Asie occupés par les Japonais et y mener des actions subversives. Elle était constituée de militaires britanniques ou d’autres pays alliés.
Les Forces thaïlandaises libres (Free Thai Movement ou Seri Thai) étaient un mouvement de résistance clandestin contre le Japon durant la Seconde Guerre mondiale. Le mouvement a été une importante source de renseignement militaire pour les Alliés dans cette région. Les Forces Thaïlandaises Libres étaient le seul mouvement de résistance de la Seconde Guerre mondiale qui a utilisé ses propres avions de combat.
Les Forces Thaïlandaises Libres furent créées et dirigées par Pramot, ambassadeur de Thaïlande à Washington de 1940 à 1945. Les officiers sont principalement formés aux États-Unis par l'OSS. De fait, la résistance armée thaïlandaise souffrira de la rivalité politique entre Américains et Britanniques, ces derniers ayant intégré des Thaïlandais dans leur Force 136.
Le Docteur Puey Ungpakorn (1916-1999, MBE) est le chef du courant pro-britannique des étudiants thaïs libres. Commandant à titre temporaire (General List) dans l'armée britannique (Force 136), il est promu Membre de l’Ordre de l'Empire britannique (MBE) à titre militaire le 29 août 1946.
Après la guerre, économiste renommé, il est directeur de la Banque de Thaïlande de 1959 à 1971. Recteur de l’université Thammasat de Bangkok, il trouve refuge en Angleterre en 1976 à la suite d’un coup d’État de droite.
Le Prince Subha Chin Svasti Svastivat (OBE) appartient aussi au courant pro-britannique. Ancien officier de l’armée thaïlandaise, il accompagne la famille royale qui s'exile en Angleterre en 1935, sa sœur étant la femme du roi de Thaïlande. Après une formation complémentaire à l’Académie militaire royale de Woolwich, il est nommé sous-lieutenant de la General List (officier sans spécialité) le 28 décembre 1942.
Chargé dans un premier temps de fonctions administratives, il se porte volontaire pour opérer dans son pays quand Anthony Eden autorise l’envoi de volontaires thaïs. Lieutenant-colonel à titre temporaire à la fin de la guerre, il est nommé Officier de l’Empire Britannique (OBE) à titre militaire le 29 août 1946
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"Autres livres, non encore consultés.
The Thai Resistance Movement During The Second World War, John B. Haseman, Chalermnit Press, Bangkok.
Free Thai, compiled by Wimon Wiriyawit, White Lotus Co., Ltd, Bangkok, 1997.